Sur La Croisette, il y a toujours plus de vacarme, plus de limousines aux vitres teintées, plus de paparazzi, dopés sans doute à des breuvages forts, marchant sur les traces des maestros de l'écran et de leurs équipes, mais la vie n'en continue pas moins d'être douceâtre pour le journaliste sacrifiant ses heures dans les projections, ne mettant le nez dehors que pour fréquenter des cocktails où tous ses confrères (il y a 4000 envoyés spéciaux à Cannes) se retrouvent comme des abeilles autour d'un pot de miel. Une gaffe au Majestic pourtant vendredi soir : des bureaucrates-potiches du Centre du cinéma marocain (CCM) ont stoppé l'entrée des Algériens présents à Cannes à leur réception... Ces gens (du CCM) focalisent sans doute sur le Sahara ! Les médias rapportent que la « fête » fut du genre fast-food lugubre. Passons. De toute manière, il y avait le film italien en compétition : Une fois que tu es né, de Marco Tullio Giordana. Giordana fait partie des cinéastes italiens qui réfléchissent avec sérieux sur leur société. Il a fait beaucoup de films, notamment l'excellent hommage à Pasolini : Pasolini, mort d'un poète. Dans son nouveau film, il aborde le problème de l'émigration clandestine à travers le regard d'un enfant innocent de 12 ans. Les « clandestini » posent un problème urgent pour l'Italie. C'est un problème pour la société utilisé de manière démagogique par la droite pour se maintenir au pouvoir. L'histoire de Sandro, jeune écolier, commence dans le yacht de son riche père lors d'une croisière en Méditerranée. La nuit, seul sur le pont, Sandro tombe à l'eau et le bateau continue sans lui parce que ni son père ni personne d'autre ne l'a vu tomber. Beaucoup plus tard, son père affolé rebrousse chemin et se rend compte que son fils s'est noyé. Mais Sandro, un nageur courageux, réussit à force d'endurance à se maintenir à flot, et il est miraculeusement sauvé par un jeune clandestin Radu qui saute d'un rafiot qui passait par là. Radu est accompagné par sa sœur Alina, et tous deux protègent Sandro jusqu'à l'arrivée en Italie. Les passeurs, les passagers clandestins sont pour le jeune garçon un monde totalement inconnu, étrange. Il s'adapte pourtant et s'attache beaucoup à son sauveur et à sa sœur. Lorsque ses parents le récupèrent enfin sain et sauf, Sandro est devenu un autre garçon. Il a mûri, il a appris à vivre sans eux. Giordana a tenté de traiter ce sujet de manière très réaliste (en montrant les terribles centres d'accueil et d'hébergement réservés aux immigrants) et sans trop de préjugés. Giordana est de ceux qui pensent que la présence des immigrés en Italie est un phénomène impossible à arrêter.