Durant cette période estivale, la grande bleue est prise d'assaut. Plage, criques et calanques sont envahies par les estivants. Les bus sont bondés de monde et une procession de voitures sillonne les côtes. Le littoral ouest-centre, à commencer par l'ex-plage Padovani, dite R'mila, reçoit les amoureux de la mer, surtout depuis que les eaux usées ne sont plus déversées dans cette petite baie coincée entre El Kettani et Laâyoun, un axe en plein chantier. Plus loin vers l'Ouest, Bologhine échappe plus ou moins au brouhaha du quartier populeux qu'est Bab El Oued. Son front de mer, réalisé en 1898, demeure ce bel ouvrage avec sa rambarde que longe une nuée de pêcheurs à la ligne, notamment à la lumière vespérale. Une passion à laquelle restent rivés certains habitués des lieux, les « invétérés » de la pêche à la ligne. Qu'il pleuve ou qu'il vente, ils sont toujours là. C'est aussi un boulevard, dont la brise rafraîchissante invite à la flânerie nocturne de baladeurs qu'enivrent les embruns iodés générés par le ressac. D'autres adolescents vaquent à leurs occupations fétiches juste pour se faire du fric ou pour tromper leur monotonie. Ils refilent de la douda extraite des rochers, un appât de fortune qu'ils proposent dans un bas de laine aux pêcheurs. « C'est moins cher que la crevette blanche », nous susurre un pêcheur en train de triturer son moulinet au moment où un autre vient d'accrocher une belle pièce. La plupart des panneaux menant aux plages et bassins de cette bourgade côtière indiquent que la baignade est interdite. Les riverains, particulièrement les enfants, ne l'entendent pas de cette oreille. L'Eden plage, le Petit Bassin, les Deux Chameaux, l'Olivier et la plage dite abandonnée restent les lieux de prédilection des gosses qui barbotent, presque, dans l'insouciance. « On est loin des années soixante-dix où ces plages étaient claires comme de l'eau de roche », nous lance un sexagénaire flanqué d'une ribambelle d'enfants gouailleurs. Dire que depuis, le fort débit des eaux usées déversées a transformé certaines plages en de véritables cloaques. Un constat qui n'est pas moins faux, sommes-nous tenus de dire, de surcroît lorsque les stations d'épuration des eaux usées font défaut. L'APC de Bologhine, sans trop y croire se contente, à l'approche de chaque saison estivale, de badigeonner quelques accès menant aux plages rocheuses. Hormis quelques anciens cabanons qui datent de l'époque coloniale, les cagibis sur pilotis ou sur rocher ont été démolis et leurs locataires relogés ailleurs. Le Parc aux huîtres n'est plus qu'un lointain souvenir que seuls les restes de longrines quadrangulaires émergeant de l'eau attestent de l'espace ostréiculture. Le long du boulevard du Front de mer, des espaces en proéminence s'y découvrent en belvédère. Des lieux qui se prêtent avantageusement pour y construire quelque établissement commercial de nature à épouser le cadre de la mer et l'environnement alentour. Des espaces convoités, mais « aucun projet n'est prévu pour l'instant », nous confie un élu de l'APC de Bologhine, car, poursuit-il, « il y a le passage du tramway » dont le lancement du chantier, faut-il le souligner, est programmé pour début 2007. Arpentant cet axe du littoral, la même insalubrité publique est relevée au niveau des plages La Vigie, la Rascasse et Franco vers lesquelles continue d'affluer la plèbe, celle qui ne dispose pas de moyens pour aller se décompresser ailleurs. Certes, ces lieux sont loin de constituer un lieu de farniente, mais restent un exutoire pour les gosses qui ne se privent pas de piquer une tête. De faire trempette dans ses eaux opaques, voire fangeuses parfois. Et advienne que pourra.