Devenue première distraction des familles constantinoises (comme un peu partout en Algérie), la télévision numérique est à l'origine d'un phénomène de dépendance pour nos concitoyens jamais égalé. Les jeunes et encore plus les femmes au foyer ne peuvent plus s'en passer. Le cryptage périodique (presque mensuel) peut donner l'alerte à la maison et être à l'origine de vives tensions. Les pères de famille sont vite priés d'abandonner les affaires courantes et même les courses pour ne se consacrer qu'au décryptage qu'ils doivent effectuer au plus vite pour éviter le courroux des uns et des autres. Ce qui est encore plus intéressant dans cette fièvre du numérique, c'est l'émergence de personnes autoproclamées spécialistes du décryptage. Un procédé qui reste tout de même entouré d'interrogations. En fait, le décryptage en soi est défini comme étant une mise à jour de la carte mère du démodulateur numérique et concerne le plus souvent les chaînes auxquelles s'intéressent la plupart des gens, c'est-à-dire les TPS et les multivisions qui présentent un éventail assez large de films récents et surtout de rencontres footballistiques (championnats français et anglais). Le problème ne concerne aucunement les chaînes satellitaires orientales qui ne sont pas soumises au cryptage, du moins pour le moment. Ce genre de chaînes intéresse plus la gente féminine accros aux films et feuilletons égyptiens. Les codes des TPS changeant régulièrement, ledit décryptage est un rituel presque mensuel. Ce qui semble bizarre, par contre, est le fait que ce soit une pratique propre à notre pays. Par exemple, un démodulateur numérique acheté en France ne peut être guère soumis à ce décryptage ou flashage, c'est selon, et ne reconnaît même pas les cartes numériques. Ce qui oblige les consommateurs à acquérir des démodulateurs spécifiques importés d'Asie ou fabriqués ici même. Par ailleurs, ce décryptage ou flashage se fait grâce à un code que les pirates informatiques acquièrent dans d'innombrables sites consacrés à cet effet. Certains sceptiques pensent même que les importateurs de démodulateurs acquièrent eux-mêmes ces codes à des prix faramineux pour les distribuer aux différents agents décrypteurs. Le but de l'opération est de créer continuellement le besoin de ces mêmes démodulateurs spécifiques, les seuls à pouvoir intercepter les chaînes satellitaires. Les décrypteurs amateurs peuvent aisément s'adonner à cette pratique et n'ont besoin que d'un matériel très simple : un micro-ordinateur simple, une série de câbles spécifiques aux différentes marques de démodulateurs afin d'assurer la liaison entre l'unité informatique et le démodulateur lui-même et le plus important un logiciel spécifique vendu sous le manteau à 1500 DA et pas facile à trouver. L'opération en elle-même consiste en l'écrasement de l'ancien système de décryptage et de l'installation du nouveau qui se renouvelle périodiquement. Ce petit commerce s'est installé au début chez les réparateurs de télé... pour s'élargir par la suite à quelques vidéothèques et cybercafés. La facture est relativement salée, puisque l'Algérien dépense en moyenne près de 7000 DA par an rien que pour les frais de décryptage. Le flashage est effectué contre 300 à 600 DA pour une opération qui ne dure pas plus de 20 minutes et avec un matériel des plus simples qui soient. On imagine aisément le profit réalisé par les « décrypteurs » lorsqu'on voit les foules s'amasser chaque mois autour de leur magasin. Les propriétaires de démodulateur déposent leur appareil le matin pour le récupérer l'après-midi, parfois même le lendemain. Certains se sont même plaints du phénomène de substitution (volontaires ou pas) de leur démodulateur. Enfin, le phénomène a pris une telle ampleur qu'on a du mal à cerner les tenants et aboutissants de cette pratique (décryptage) à laquelle de grosses fortunes ne sont pas étrangères. Il faut signaler aussi que certains décrypteurs « se plaignent » de l'existence d'un nouveau virus qui s'attaque directement au système informatique de l'utilisateur.