Les représentants de 13 délégations syndicales arabes participent aux travaux d'un atelier portant sur « le rôle des organisations syndicales dans la définition et le suivi des politiques et programmes de formation professionnelle et de l'emploi. » Cette manifestation d'envergure, qui se tient du 21 au 26 mai au centre de repos des P et T des Andalouses, est organisée par l'Institut arabe d'éducation ouvrière et de la recherche sur le travail que dirige, à Alger, Tabtab Abdelkader, en collaboration avec l'Union des syndicats des travailleurs arabes (Damas). La disparité des pratiques syndicales ainsi que des expériences économiques des pays arabes n'a pas empêché les participants de s'entendre sur les nouvelles menaces qui pèsent sur le monde du travail. Chacun à sa manière, les participants qui ont tous salué cette initiative, ont été unanimes à exprimer la crainte liée à la mondialisation et ses effets négatifs sur le monde du travail. « Nous sommes là pour réfléchir ensemble à trouver des solutions et mettre sur pied, à un niveau syndical, les moyens de sauvegarder les emplois et prendre en charge les conséquences liées à la fermeture des entreprises et les licenciements massifs », indique le Tunisien Salah Brour, secrétaire adjoint de la Confédération des syndicats arabes qui a, par ailleurs, trouvé intéressant les échanges d'expériences. Au même titre que son homologue tunisien, la remise à niveau économique et la reconversion des travailleurs ont été également la préoccupation de Ahmed Atef Hassan, vice-président de la Fédération égyptienne des travailleurs du secteur pétrolier et doyen de l'Institut cairote des études syndicales. Celui-ci constate d'abord « l'invasion du monde arabe par la mondialisation » pour appeler ensuite les cadres syndicaux à « se préparer à affronter la nouvelle économie par la formation et la qualification. » « Le risque est que l'entité géographique arabe, qui constitue déjà un grand marché, demeure un marché de consommation, ce qui n'arrange pas le citoyen », explique-t-il. Tirer la sonnette d'alarme Représentant régional de la Fédération de la formation professionnelle, le Marocain Abdelkrim Bouçani pense que « la mondialisation est un véritable fléau et c'est pour cela qu'il faut tirer la sonnette d'alarme, car tous les voyants sont au rouge. » Malgré une expérience plus ancienne dans le domaine de l'économie de marché de ces trois pays d'Afrique du Nord, la menace sur le monde du travail reste la même. La requalification et la reconversion des travailleurs aux nouvelles technologies sont l'une des préoccupations soulevées par le représentant marocain. L'expérience soudanaise est intéressante parce qu'il s'avère que c'est le seul pays où les travailleurs sont directement représentés au Parlement (11 sièges sur 360). Lui-même parlementaire, Hachem Mohamed El Bachir estime que ces derniers sont plus efficaces car ils couvrent une large couche de la population et ne sont pas concernés par la contrainte partisane. Le syndicat doit son influence à sa contribution à la libération du pays, atteste-t-il. Le droit de grève est consacré par la Constitution et, preuve à l'appui, précise ce secrétaire des relations de travail de cette union, « avant de venir participer à cet atelier, nous avions appelé à une grève. » Le droit de grève est, par contre, le rêve de Abdellah Kettara Al-Chamissi des Emirats arabes unis. Il est, dans son pays, le représentant de la Fédération des enseignants qui existe depuis 30 ans et dont les avis sont pris en considération par le gouvernement. Le calvaire palestinien « La question syndicale est intimement liée à la nature des pouvoirs en place », explique-t-il en avouant que, pour une première participation, il était venu écouter plutôt que faire des propositions. Membre du bureau exécutif de l'Union des travailleurs palestiniens, Mohamed Yahia, qui considère que la mondialisation est l'œuvre des Etats-Unis d'Amérique ainsi que d'Israël, évoque le lourd tribut payé par les travailleurs palestiniens, notamment avec la construction du mur de séparation. Il estime à 200 000 le nombre de travailleurs qui ne peuvent plus rejoindre leur lieu de travail et qui viennent donc grossir les rangs des chômeurs. Avec la destruction de certaines infrastructures et la perte de 14% des terres, la précarité a été aggravée, et ce sont maintenant plus de 300 000 personnes qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Mohamed Yahia a salué, par ailleurs, la position du syndicat tunisien qui s'est opposé à la venue de Sharon en Tunisie. Ce pays qui n'a pas consacré le pluralisme syndical, présente par contre le taux le plus élevé de syndicalisation des femmes. Brour Latifa et Hamani Naïma, présentes au séminaire, ont estimé ce taux à plus de 40 % (contre moins de 5% pour l'Algérie). Les deux participantes estiment également à 400 le nombre de syndicalistes femmes qui occupent des postes de responsabilité. La mondialisation a touché de plein fouet le domaine du textile mais aussi le tourisme (fait étonnant) après le 11septembre 2001. Hamani Naïma explique comment le travail informel et la précarité ont fini par déstructurer l'activité syndicale elle-même. Cette situation est également vécue en Algérie. Malika Boucetta a relevé justement le fait que le monde du travail algérien n'est pas le seul à subir les conséquences de la libéralisation. Représentante de l'UGTA de l'université d'Oran, elle a juste espéré que cet atelier (où pas moins de 5 conférences ont été programmées) sorte avec des résolutions et des propositions qui feront reculer les contraintes vécues par les travailleurs de cette région du monde.