Tant souhaité à la fois par les peuples de la région et les partenaires étrangers, le projet d'une intégration économique des trois pays du Maghreb n'est pas pour demain. A l'ère de la mondialisation galopante et de la multiplication des regroupements économiques régionaux, le Maghreb continue d'évoluer en total déphasage de la réalité mondiale au mépris même de l'intérêt et du bien-être des générations à venir. En l'absence d'une initiative propre aux trois pays du Maghreb, ce sont les institutions multilatérales internationales qui, encore une fois, montrent la voie à suivre aux Maghrébins. Tunis a abrité hier une table ronde sur le Maghreb traitant des quatre importants thèmes de l'emploi, du commerce extérieur, du genre et de la gouvernance. Organisé par la Banque mondiale (BM) en collaboration avec la Banque africaine du développement (BAD), cet important rendez-vous a réuni plusieurs participants maghrébins, notamment la société civile, la presse, des experts et des représentants des autorités politiques. Outre l'objectif de susciter un riche débat autour des questions du développement économique des trois pays, le rendez-vous vise également à sortir avec des recommandations concrètes qui seront par la suite soumises aux instances politiques de la région pour les traduire sur le terrain. Les débats, qui ont lieu au sein des groupes de travail, ont largement cerné les différents obstacles se dressant face à l'intégration économique des trois pays, mais également aux défis qu'ils leur restent à relever. Les intervenants ont d'emblée relevé le dérisoire taux d'échange entre les pays de la région qui reste le plus faible taux d'échange interrégional dans le monde avec à peine 1,2%. Les échanges intermaghrébins restent en marge des marchés des produits non traditionnels à forte valeur ajoutée, contrairement à beaucoup de leurs concurrents. L'intégration maghrébine est, ont insisté les participants, « un choix stratégique » en ce sens que la formation d'un bloc régional efficace « renforce le pouvoir de négociations des pays vis-à-vis des partenaires commerciaux, représente un laboratoire exploratoire pour des négociations et des réformes futures plus globales, augmente la taille du marché et favorise la spécialisation intra-industries, ce qui se traduit par des gains d'efficience importants, attire les IDE et accroît le volume des échanges ». Aussi, un constat général s'est dégagé des débats selon lequel une bonne part des contraintes limitant l'intégration des pays du Maghreb sont d'origine « domestique ». Parmi ces contraintes, on citera, « des tarifs douaniers et des barrières non tarifaires très élevées, un secteur des services inefficace et sous-exploité et un environnement des affaires contraignant ». Si, pour beaucoup, le climat politique est à l'origine de l'échec du projet maghrébin, pour Mustapha Kamel Nabli, économiste en chef à la BM rencontré en marge de la table ronde, « même avec un meilleur climat politique, l'intégration dans l'état actuel des choses ne pourra se faire » car, explique-t-il, une intégration économique « veut dire aussi que chacun des pays abandonne un peu de sa souveraineté ». Aussi, l'intégration régionale ne doit pas se faire en dehors de l'intégration mondiale. Autrement dit, cela ne marchera pas. L'ouverture des trois pays sur le monde à travers la signature des accords de coopération et d'association va contribuer, selon l'économiste en chef de la BM, « beaucoup à une intégration intermaghrébine ».