Les pays de la défunte UMA s'offrent, désarmés, aux intérêts commerciaux des puissances régionales. Les effets collatéraux seront considérables pour les pays membres de l'UMA après l'échec consommé du sommet maghrébin dont les travaux devaient débuter hier à Tripoli, en Libye. Ainsi replongée dans un coma profond qui l'avait gagné en 1994, la construction de l'UMA est devenue une illusion perdue. La restauration de l´ordre régional arabe n'est finalement qu'une vue de l'esprit. De même que la sécurité, la stabilité et la prospérité de ces pays ne sont plus perçues dans un cadre régional. Le projet réduit à un banal forum de réunions, de rencontres d´experts et de signatures de textes sans âme, aboutit enfin au «chacun pour soi, l'Amérique et l'Europe pour tous!». Les Maghrébins ont conçu l'unité à l'inverse de l'Europe. Celle-ci a unifié 300 millions de personnes parlant dix langues différentes en créant un marché commun, tandis que les Maghrébins ont toujours placé l'idéologie avant les réalités économiques. La première raison qui militait pour la construction Maghrébine est d´ordre géopolitique. Mais dans un tel contexte de désunion et d'implosion maghrébine, ces pays perdent leur immunité géostratégique. A l'évidence, quels que soient les avancées et les progrès réalisés sur le plan intérieur, ils s´avèrent insuffisants s´ils ne sont pas soutenus par un environnement géo-économique intégré. Car sur l'autre rive, c'est la guerre transatlantique pour le contrôle du Maghreb, ce sont les impératifs d'une mondialisation implacable, c'est la bataille de la compétitivité, de l´ouverture des frontières et de la libre concurrence. Dans un contexte d'assauts d´amabilités des Etats-Unis et de l´Europe à leur égard, les pays de la défunte UMA, s'offrent désarmés aux intérêts commerciaux des puissances régionales. L'Europe, précisément la France, revendique une paternité historique sur le Maghreb, et l'Amérique multiplie ses assauts diplomatiques et économiques. Une rivalité potentielle entre les Etats-Unis et l´UE est donc active. L'insistance américaine liée à l'alliance économique diffère de l'intégration politique recherchée par I'Union européenne dans le cadre de l'Alliance euro-méditerranéenne. Or, aujourd´hui, l´élargissement de l´UE à 25 pays est achevé et le temps semble venu d´un verrouillage des frontières et de l´Union. La standardisation des relations de l´Union avec les Etats du Sud et les Etats de l´Est est en marche. On assiste à une dilution de la priorité méditerranéenne de l´UE, qui pourrait annoncer la fin de la politique méditerranéenne de l´Europe. La tendance est aux relations bilatérales étroites entre des Etats méditerranéens pris individuellement et certains Etats-membres de l´UE, la France au premier chef. Les chances de réussir une négociation sont beaucoup plus grandes face à un seul pays plutôt que d'affronter un regroupement régional solide et compact. Face à L'UE, la présence américaine, dans la région se fait plus intense. Les Américains ont déjà signé des accords de libre-échange avec la Jordanie, le Maroc, Bahreïn, et incitent les autres dont l'Algérie, à rejoindre «le groupe». Les USA favorisent actuellement au Maghreb un type de développement privilégiant la croissance économique durable. Le principal intérêt américain est économique. L'indicateur le plus clair étant l'initiative Eizenstat lancée en 1999. Son objectif est de «resserrer les liens entre les USA et les trois pays de l'Afrique du Nord en matière de commerce et d'investissement». Le Programme économique américain pour l'Afrique du Nord - fait maintenant partie de l'initiative globale de Partenariat au Proche-Orient (Mepi). Dans ce forcing US, les Européens craignent d´être cooptés pour financer les plans américains de développement de la région, et la lutte continue. Comme dans toute guerre, cette lutte transatlantique ne sera pas sans conséquences sur les pays du Maghreb. Etant eux-mêmes l'objet de cette lutte transatlantique, ils ne feront que subir les effets collatéraux.