Le premier sommet entre 5 pays du sud de l'Europe du sud et leurs vis-à-vis de l'UMA a débuté hier. Deux sujets fondamentaux risquent d'apparaître comme la fausse note dans l'enthousiasme béat et l'optimisme qui entourent ce premier sommet des 5+5 ouvert hier dans la capitale tunisienne à l'ombre de mesures de sécurité exceptionnelles. Il s'agit du dossier relatif à la situation des droits de l'homme dans les pays maghrébins qui gêne énormément leurs partenaires européens et la question de l'autodétermination du peuple sahraoui qui empoisonne le climat des relations entre Alger et Rabat depuis près de trente ans. D'ailleurs, si le président Chirac a déjà été implicitement interpellé sur le premier thème, le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, a appelé la conférence de Tunis pour contribuer à «l'avènement d'une solution juste et pacifique du conflit au Sahara occidental sur la base du droit international». Fait révélateur des limites de ce rendez-vous, les pays de l'UMA qui n'ont pas réussi à tenir de sommet préalable entre eux malgré tous les efforts engagés, n'arrivent pas à Tunis en rangs serrés, ce qui pourrait se répercuter sur le poids de leurs positions d'ensemble face à leurs vis-à-vis du Nord. Certes, en marge des travaux de ce forum au sommet, on laisse entendre que le président algérien et le souverain marocain vont se rencontrer, ce qui pourrait se traduire par une timide décrispation des rapports entre les deux pays. Mais, il est clair aujourd'hui, d'après les analystes des affaires de cette partie du monde, que seuls des conseils, pour ne pas dire des «pressions» de leurs homologues européens pourraient faire bouger les choses. Autrement dit, ces commentateurs se demandent si l'Europe ne sera pas dorénavant la véritable locomotive de l'Union du Maghreb arabe tant sur le plan économique que politique. Plus prosaïquement c'est le processus de Barcelone, une formule de dialogue et de coopération entre les 5 pays du sud de l'Europe et leurs 5 partenaires de l'UMA instauré en 1995 qui, semble-t-il, sera incontestablement activé à la faveur de ce premier sommet des chefs d'Etat des dix pays de la région. Sérieusement à l'arrêt depuis cette date, en dépit des multiples réunions occasionnelles sur d'innombrables thèmes inscrits dans son canevas, ce processus a eu une évolution laborieuse pour ne pas dire tortueuse. C'est pourquoi, dès la veille de cette première rencontre au sommet euro-maghrébin, le projet de déclaration finale dite de Tunis souligne particulièrement l'urgence de la remise en route de ce processus avec une insistance soutenue sur les volets de la sécurité et de la coopération dans l'espace euro-méditerranéen. En effet, ce document réitère la volonté des pays concernés (Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Mauritanie, France, Italie, Espagne, Portugal et Malte) à «renforcer davantage les mesures de confiance dans tous les domaines» ainsi que «la concertation et le dialogue» pour dégager «une perception commune» des problèmes actuels. Les dix devraient également convenir de la nécessité de voir l'UE accompagner son élargissement à l'est du Vieux continent «d'un effort parallèle de soutien en direction des pays de la Rive sud du bassin occidental de la Méditerranéen». Interdépendance socio-économique, intégration régionale et sous-régionale, adoption d'une charte ou d'une approche euro-maghrébine «fixant les droits et les obligations» des ressortissants maghrébins en Europe, mise en place d'une facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (Femip), sécurité et lutte commune contre l'immigration illégale et contre ce qui est appelé désormais le terrorisme international figurent aussi dans l'agenda des débats entre participants. Codifier cette coopération économique tous azimuts à travers un vrai «dialogue des cultures et des civilisations», aplanir les divergences et les différends entre les acteurs majeurs de cet espace surtout ceux prévalant au Maghreb semblent être les objectifs primordiaux de ces retrouvailles au sommet entre hauts responsables politiques européens et maghrébins. Car, d'une manière ou d'une autre, à l'ère d'une mondialisation rampante et des velléités effrénées de leadership observées dans le monde d'aujourd'hui, l'Afrique du Nord est l'objet de toutes les sollicitations, et forcément de toutes les convoitises.