l'année 2005 est une date particulière : on fête les 40 ans de l'établissement des relations diplomatiques entre l'Algérie et le Canada. L'événement est dûment célébré avec la venue de l'un des plus grands pianistes canadiens, Alain Lefèvre. L'artiste a donc découvert l'Algérie à travers la « friction oranaise », jeudi dernier, où il a fait un triomphe au théâtre régional. Puis Alger, dimanche soir, à la salle Ibn Zeydoun où, une fois de plus, il a reçu l'ovation qu'il méritait. La soirée a débuté peu après 19 h. La salle était archicomble. Alain Lefèvre arrive sur scène, impeccable dans sa veste en queue de pie. « C'est l'espoir. La musique vit à Alger et a vécu il y a quelques jours à Oran. C'est une célébration de la musique et un voyage à travers le temps », déclare-t-il avant d'entretenir le public du grand pianiste canadien André Mathieu. Et il attaque son concert avec L'Eté canadien, composé par Mathieu à l'âge de 8 ans. Une symphonie qui allie parfaitement la douceur et la rudesse. Il continue, toujours avec Mathieu, cette fois-ci avec Les mouettes, une pièce qu'il a composée en une nuit, alors qu'il voyageait en bateau. Un morceau qui reprend le cri strident des volatiles et le doux murmure des vagues au large. On reste encore avec Alain Mathieu et Le printemps canadien, qu'il a composé à l'âge de 7 ans. Acclamations vibrantes du public, certainement pour les deux Alain, dont le talent indéniable s'est transmis mutuellement. Puis, changement de registre : le pianiste s'attaque à Chopin, qu'il qualifie « d'être d'exception qui savait transmettre l'amour avec discrétion ». Il en jouera trois pièces, dont Le révolutionnaire. Et avant de présenter au public sa première surprise, il emprunte le chemin sinueux de la critique. C'est qu'il est particulièrement remonté contre ceux qui font écouter aux jeunes des « cochonneries ». Allusion, entre autres, au rock et au rap. Il est quelque peu hué lorsqu'il précise sa pensée. « Je préfère voir des jeunes écouter Bach, Beethoven et Brams, plutôt que les Beatles, les Rolling Stones et Puf Dady », dira-t-il. Alors, il explique que ce qui le dérange est le fait qu'il existe des jeunes de 16 ans qui ne connaissent pas Mozart parce qu'on ne leur a pas donné le choix. La première surprise d'Alain Lefèvre est Mehdi Baba Amer, un jeune étudiant de l'Institut national supérieur de musique d'Alger. Un violoncelliste de grand talent qui l'accompagne sur un morceau particulièrement émouvant. Le pianiste, à nouveau seul, présente trois pièces qu'il a composées en Grèce et dédiées à la Méditerranée : Elios (le soleil), Anemos (le vent) et Thalassa (la mer). Particularité d'Alain Lefèvre : il parle beaucoup. C'est que chaque morceau, les siens comme ceux des autres, a une histoire, une anecdote qui lui donne vie. Aussi, il joue avec amour et dévotion. Un véritable passionné de la musique classique, dont il est le plus fidèle amant. Sa deuxième surprise est un autre jeune musicien au talent indéniable, Mehdi Tazi, à qui il cède le piano le temps d'un morceau enfiévré. Lefèvre dira en s'adressant au public ainsi qu'à la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, présente au concert : « Je rêve d'une scène à New York ou à Londres avec un jeune musicien algérien, jouant un concerto de Beethoven. » Et de continuer : « Je n'ai pas pu m'empêcher de vous présenter des jeunes qui m'ont ému jusqu'aux larmes. » Et après quelques autres pièces, il en arrive à sa dernière surprise, La rose des sables, un concerto qu'il a récemment composé et qu'il dédie à l'Algérie et à sa ministre de la Culture. Le morceau, qui fera partie de son prochain album, n'est autre que de la musique classique garnie de touches orientales et andalouses. Le public en est ravi. Alain Lefèvre clôture la soirée avec un morceau jazz, dont l'histoire est très émouvante. Finir avec du jazz, c'est un peu pour dire que cette musique est tout aussi noble que le classique.