Les possibilités de règlement du conflit autour de la mouhafadha d'Oran s'éloignent de jour en jour et, à ce propos, la mission de Abderrezak Bouhara, dernier émissaire à avoir séjourné à deux reprises à Oran, aura été un échec. Particulièrement méfiant, le colonel Abid, qui occupe le siège de cette instance symbolique du parti, soupçonne le premier de vouloir l'éjecter de son siège, qu'il occupe à titre provisoire, en attendant justement une solution acceptée par tous. Pour le principe, personne n'est contre un rassemblement des troupes, mais sur le terrain, les vieilles rancunes, et il ne s'agit pas uniquement de l'opposition redresseurs-anciens pro-Benflis, resurgissent à chaque tentative de réconciliation. Il en était ainsi de la rencontre du 12 mai à la salle de conférence de la mouhafadha et de celle du mardi 24 mai, organisée dans une salle des fêtes de Chtaïbo, une localité au sud d'Oran. Les deux jours suivant cette dernière rencontre, M. Bouhara a élu domicile au troisième étage de l'édifice abritant le bureau du FLN, mais cette partie a été louée et sert de siège de direction de l'hôtel Timgad, situé juste en face. Il devait alors, comme pour se placer physiquement au-dessus de la mêlée, recevoir les parties en conflit, mais aussi des cadres et des organisations dont les animateurs sont affiliés au parti. Le colonel Abid, qui ne s'est pas rendu à la rencontre de Chtaïbo (malgré la présence de ses partisans), a vu d'un mauvais œil l'installation de M. Bouhara au-dessus de sa tête, mais surtout le fait que ce dernier ait eu recours à ce qu'il a qualifié d'« anciennes organisations de masse : les femmes, les moudjahidine, etc. » La réaction ne s'est pas fait attendre. Une première motion de protestation datée du 28 mai a été adressée à Abdelaziz Belkhadem et porte le titre générique : « Dépassements de M. Bouhara », à qui il est reproché d'inviter des personnalités ne représentant qu'eux-mêmes, mais aussi de procéder directement et sans concertation à l'installation de la commission chargée de superviser les élections à la base. Une copie de cette motion est même adressée au président de la République en sa qualité de président d'honneur du FLN. La deuxième action, menée hier, s'apparente à une contre-attaque. En effet, lui aussi a organisé une rencontre avec un groupe de moudjahidine. Rédigé sur un ton particulièrement guerrier, le communiqué sanctionnant cette réunion parle même, au sujet de ce conflit, de « bataille d'Oran » et qui viserait, à travers un programme de travail qui reste à mettre en œuvre, à « sauver le parti des opportunistes ». Les références à l'épisode Novembre 54 ne manquent pas, et c'est dire la détermination de cette partie du conflit à aller jusqu'au bout. Le colonel Abid fait une lecture inédite de la situation en mettant en avant les guerres d'intérêts que mèneraient certains membres de la direction nationale, soucieux, dit-il, d'« avoir une mainmise sur le parti localement ». En faisant appel à ce colonel retraité (mais aguerri aux tactiques de combat), le mouvement de redressement, alors à ses débuts, lorsque ses partisans se réunissaient eux aussi dans les salles des fêtes (Fernand-Ville), voulait l'utiliser comme une carte à jouer. Lui veut être aujourd'hui le maître du jeu.