Banderoles, portraits du président de la République et chants patriotiques diffusés à longueur de journée à partir des balcons de la mouhafadha ont caractérisé, jeudi dernier, la protestation des partisans du colonel Abid. La veille, M. Bouhara a été empêché de rentrer pour tenir ses réunions avec la commission de wilaya de 11 membres qu'il a installée officiellement le mardi 14 juin. La cérémonie d'installation, faute d'avoir pu se tenir dans le bureau du FLN, a été organisée au premier étage de la même bâtisse, dans le bureau d'un avocat membre du parti. Les deux hommes qui se rencontraient le jour même de la venue de M. Bouhara n'ont pas pu trouver un terrain d'entente. Hormis ce qui a été déclaré ultérieurement de part et d'autre, on ignore ce qui s'est réellement dit entre les deux hommes. Conséquence : alors que l'un parle « de la nécessité d'appliquer le règlement et les textes du parti », l'autre « rejette catégoriquement la commission et ne reconnaît pas la qualité de superviseur de l'émissaire envoyé d'Alger. » Aujourd'hui, la situation est encore plus tendue malgré des tentatives de médiation, à l'instar de celle initiée par l'une des deux femmes membres de la commission qui a fait appel à la fédération des zaouïas ; en vain. Un appel urgent signé par les SG de kasmas (acquises au colonel) et portant le sceau de la mouhafadha ainsi que le cachet de Mustapha Abid en sa qualité de membre du conseil national, a été diffusé dès jeudi. Il est destiné au président de la République mais aussi, fait intéressant à relever, au ministère de l'Intérieur et des collectivités locales. « Nous considérons M. Bouhara entièrement responsable en cas de graves dérapages pouvant entraîner une contestation populaire sur tout le territoire de la wilaya d'Oran. » Une crise particulière L'appel invite M. Belkhadem à intervenir personnellement et dans les plus brefs délais. Le silence de la direction nationale autour de cette crise vécue de manière particulière à Oran est, par ailleurs, un fait qui a étonné plus d'un observateur. Certains vont même jusqu'à dire que, « si le colonel s'entête à ne pas libérer les bureaux de la mouhafadha, c'est que lui-même a des garanties quelque part en haut lieu. » D'un autre côté, la liste des 11 membres de la commission de wilaya est elle-même décidée et approuvée à Alger. Cette commission a, d'autre part, indique-t-on, commencé à travailler. Jeudi, une réunion a été organisée à la kasma 2, sauf que cette structure de base est gérée entièrement par les anciens moudjahidine. M. Abid a, lui aussi, fait appel à cette catégorie de militants et, parmi les solutions proposées, il met en avant la nécessité de passer par des personnalités locales, comme M. Bouchaib considéré comme l'un des membres des 22, pour superviser, à la place de M. Bouhara, le renouvellement des structures du FLN à Oran. Ce qui rend la situation encore plus délicate, c'est par ailleurs la position des anciennes têtes d'affiches du mouvement de redressement. Si certains adhèrent aux thèses de M. Abid, d'autres ont rallié le camp adverse ou affichent de l'indifférence. Pas tout à fait cependant car tous suivent avec intérêt l'évolution de la situation, peut-être pour mieux se positionner au moment venu. Entre-temps, la lassitude commence à gagner les militants de base des deux côtés.