Les populations des régions de Azzaba, d'Es Sebt, de Byard et même de Skikda ont bien accueilli la fermeture du Complexe de mercure d'Ismaël. Elles estiment que c'est là un signe évident de la cessation d'un ensemble de nuisances qui ont de tout temps hanté les esprits des habitants des régions citées et même d'ailleurs. Ceci étant, un drame est venu en remplacer un autre. Avec l'éventuelle disparition de la pollution par le cinabre, est apparu un autre drame, tout aussi navrant. La fermeture a entraîné de facto le chômage de pas moins de 60 employés sur un total de 113, tous pères de famille. D'autres, une dizaine, ont été « récupérés » par la carrière de Laghdir (Azzaba) alors que certains devront bénéficier de leur retraite. Les 60 employés n'ont pas trop attendu pour protester contre cette fermeture, mais surtout au sujet des « maigres indemnités » que leur a réservées leur direction générale. Hier déjà au complexe de mercure d'Ismaël, dans la commune de Azzaba à l'est de la wilaya de Skikda, l'heure était à la protestation. Les 60 travailleurs ont empêché le directeur du complexe ainsi que le personnel administratif de rejoindre leur bureau et ont occupé les lieux. L'un d'eux précise : « Nous n'avons rien contre le directeur du complexe, c'est un travailleur comme nous. Nous en voulons beaucoup plus à la direction générale de l'Entreprise nationale des produits miniers non ferreux et des substances utiles (Enof). » Ils accusent l'Enof des les avoir « exploités et intoxiqués » avant de les rejeter sans préavis et menacent de recourir à un mouvement général de grève de la faim. « Ils ne nous aurons pas à l'usure », crie un employé. Ses collègues le rejoignent tous pour juger « irrecevable » l'offre faite par leur direction. Un des membres de la section syndicale expose les revendications des travailleurs : « Il y a une convention qui nous lie à notre employeur, nous demandons juste à ce qu'elle soit respectée. Nous demandons à bénéficier de 6 mois de salaire pour chaque année de travail au lieu d'un mois et demi comme il nous a été proposé par la DG. Nous demandons également de percevoir une indemnité professionnelle permanente de 50% et l'assurance d'un suivi médical. » L'ensemble des travailleurs insiste sur le suivi médical en exposant des fiches médicales délivrées par le CHU Ibn Rochd de Annaba. « Lisez cette fiche, elle a été établie 21 juin 2004, elle mentionne clairement que son porteur est atteint d'une “intoxication chronique au mercure”. » Encouragés, plusieurs autres travailleurs exhibent leurs fiches médicales dont certaines ont été délivrées au mois de mai dernier seulement. Elles portent toutes le même diagnostic prouvant l'intoxication mercurielle. « Avec quoi allons-nous assurer notre traitement qui risque de durer dans le temps ? Nous avons donné notre vie entière au complexe et voilà qu'on vient nous mettre à la porte sans même se soucier de notre devenir », déclare l'un d'eux. Emportés et à bout de nerfs, les travailleurs ont tenu à raconter dans le détail la longue agonie du complexe qui aura finalement duré une année entière. « L'usine était à l'arrêt depuis le mois de juin de l'année dernière. Durant toute cette période, on nous faisait patienter de mois en mois. Après l'expiration d'un congé technique de 3 mois et le congé annuel, on nous a amenés à accepter un congé sans solde. Ce n'est que le 31 mai dernier qu'on est venu nous informer que l'usine ferme ses portes, sans même nous prévenir ni nous écouter. » Ils racontent même qu'ils auraient saisi l'union de wilaya UGTA, ainsi que l'union de Azzaba, mais ces dernières auraient signifié une fin de non-recevoir.