Cinq jours seulement après la mise en œuvre du nouveau plan interdisant la circulation des véhicules de transport de marchandises de 2,5 t et plus de 7h à 20h à travers plusieurs communes de la capitale, les mécontentements ne se sont pas fait attendre pour pleuvoir. Les premiers perdants sont incontestablement les opérateurs économiques, les transporteurs publics, les commerçants et les dockers. Le port d'Alger, structure économique où débarquent quotidiennement entre 800 à 1000 conteneurs, accuse des pertes qui s'élèvent à plus de 10 milliards de centimes par jour. Ce chiffre a été avancé, hier, par le syndicat des dockers, lors d'une conférence de presse où il qualifiera cette décision d'« irréfléchie ». « Les pouvoirs publics ont pris la décision de faire circuler les poids lourds durant la nuit sans que le partenaire social soit associé à cette démarche. Ils doivent actuellement trouver les solutions qui s'imposent, s'ils ne veulent pas paralyser l'économie nationale. Nous avons la conviction qu'ils n'ont pas mesuré les conséquences d'une telle mesure sur l'activité portuaire », ajoutent nos interlocuteurs. Le syndicat estime qu'une réunion d'urgence regroupant le wali d'Alger, la société de gestion du port d'Alger (Sogéport) ainsi que les représentants du ministère des Transports est indispensable afin de dégager des solutions. « Nous travaillons aujourd'hui H24, et nous n'arrivons même pas à répondre aux besoins du marché international tellement l'activité économique au port d'Alger est en nette progression. Il faut savoir que beaucoup de marchandises transitent par le port d'Alger. Avec cette décision, comment allons- nous faire ? », s'interrogent les conférenciers qui précisent que le port « est un enchaînement de partenaires ». « Si vous enlevez un maillon, la machine se grippera d'elle-même. » Des bateaux sont actuellement bloqués au niveau des quais, alors que d'autres se retrouvent en rade, faute de place. Un bateau transportant du bétail (vaches) et un autre des fruits et légumes se sont retrouvés bloqués au port d'Alger, faute de transport et donc de déchargement. « Figurez-vous que la location d'un seul conteneur coûte en moyenne 20 000 DA par 24 heures. Les transporteurs sont obligés de trimbaler ce conteneur pendant 48 et 72 heures. C'est une perte sèche d'argent énorme pour eux », explique un docker. Dans un autre chapitre, les transporteurs publics, propriétaires de camions à gros tonnage ont, de leur côté, entamé, dès le début de cette semaine un mouvement de protestation à Baba Hacène et à Boudouaou et aux Sablettes. « Nous refusons de travailler la nuit pour des raisons de sécurité. » Les vendeurs de matériaux de construction installés à Chéraga ont baissé rideau en signe de solidarité avec leur fournisseurs. A Raïs Hamidou, siège de la société de ciment d'Alger (Scal), les transporteurs de cette société ne sont pas prêts à travailler la nuit. Mercredi dernier, premier jour de l'entrée en vigueur de ce plan, trois camions de cette entreprise ont pris la route pour Médéa. « Il faut quand même penser à la sécurité des conducteurs de ces engins », atteste un employé de cette entreprise. C'est le cas aussi de la direction du groupement algéro-allemand, Gaama, en charge du projet de la réalisation du métro d'Alger. Cette dernière vient de donner un ultimatum aux pouvoirs publics afin de signer les dérogations déposées le 8 mai dernier, et autorisant les camions de cette entreprise à circuler le jour afin d'approvisionner les chantiers et d'éviter ainsi les retards dans les délais de livraison. Au niveau du centre-ville de Chéraga, le wali délégué de cette circonscription a décidé l'annulation d'une note concernant un sens interdit après les réclamations des transporteurs qui se sont estimés lésés. En somme, une anarchie indescriptible.