La tension est palpable jusque dans les alentours des collèges de la capitale. Les élèves sont sur les lieux depuis environ trois quarts d'heure et tentent de décompresser à leur manière. Les examens débutent à 15h. Un policier, à l'entrée du CEM, surveille les allées et venues des véhicules dont le stationnement est interdit dans les parages durant les trois jours d'examen. A Alger-Centre, El Biar ou Bab Jdid, mêmes têtes juvéniles et livides. Mêmes angoisses. Mêmes espoirs. Les garçons et les filles sont mêlés à l'entrée du collège et affichent, pour certains d'entre eux, un comportement détaché. « Je meurs d'angoisse », dit un garçon qui sautille dans tous les sens. Un duvet de moustache pour unique armure, il crâne devant ses copains et joue au désabusé. « Impossible de tricher. On a trois profs dans chaque classe pour nous surveiller », s'exclame-t-il. ça chahute dans tous les sens comme pour dégager un surplus de stress. Les plus sérieux reconnaissent que l'épreuve de mathématiques du matin était difficile. « C'était le programme du premier trimestre et on ne s'y attendait pas », déclare une jeune fille, tout de rose vêtue, aux abords du collège de Bab Jdid. Son compagnon, avec qui elle discutait, ne peut prononcer un mot. « J'ai la gorge nouée et je ne pourrai parler que lorsque tout sera fini », lâche-t-il. Les yeux rougis, le petit jeune en a mal au ventre. Il leur reste encore à affronter l'épreuve de technologie et de français. Aujourd'hui, cap sur l'éducation civique et l'histoire- géographie. Pas de calculatrice pour les mathématiques, ni portable ni sac. « On se présente avec un stylo et sa pièce d'identité. Tout le reste doit être dans la tête », réplique une jeune fille. Et c'est que, jusqu'à l'épreuve de mathématiques, cela avait l'air facile. Depuis les mathématiques de ce matin, le moral des troupes est au plus bas. « On appréhende beaucoup le français et l'histoire-géographie. Ce sont des matières denses », explique la jeune fille. « Dites aux profs de nous ficher la paix », intervient un jeune rouquin sur le ton de la plaisanterie. Visiblement, le recours à la tricherie a été envisagé mais vite abandonné face au regard vigilant des trois surveillants. Et généralement, les petits malins sont connus et « fichés » à l'avance. Les petits groupes qui fleurissent à l'entrée des collèges sont composés par genre. Des groupes de quatre ou cinq élèves, majoritairement composés de garçons qui se bousculent, ricanent et sautent dans tous les sens. D'autres petits groupes de deux ou trois élèves, adossés au mur de l'école affichent une mine désœuvrée. Que l'on se ronge les ongles ou que l'on sautille dans tous les sens, le stress est là. Et pour cause. Trop de pression Le brevet d'enseignement fondamental détermine le passage au lycée. Et si l'on paraît plus vieux que son âge, on ne tient pas à se retrouver avec « les petits » quand on a de la moustache qui pousse. Le passage du collège au lycée est, dans un sens, plus important que le passage du primaire au collège ou du lycée à la fac. 13 ou 14 ans, premiers pas dans l'adolescence. Le corps manifeste déjà son passage vers l'état adulte, reste au cerveau et donc aux études de suivre. Les retardataires sont visibles de loin. Plus grands, plus vieux. Cette pression ajoutée, à ce stade morpho psychologique de l'âge ingrat, est multipliée par deux autres facteurs. « Ma mère est aux petits soins avec moi depuis deux jours. J'ai le sac rempli de bonbons et de sucreries », avoue une jeune fille. « Moi, mon père m'a menacé de me foutre dehors », prétend un jeune garçon. La pression est là, cultivée par les parents. Ils sont motivés pour une raison : on ne passe pas à l'année supérieure si on n'obtient pas la moyenne au BEF. Sauf à avoir une très bonne moyenne générale durant l'année scolaire. S'il est vrai que le BEF ne conditionne pas le passage au lycée à lui seul, il reste dans l'esprit des parents et des élèves qu'il faut absolument avoir au-dessus de la moyenne. « Le problème, c'est que les sujets sont difficiles », intervient un jeune garçon. Beaucoup de poids sur des épaules encore frêles. Un avant-goût du baccalauréat. Encore lointain