La cocaïne, l'héroïne, la prostitution sont autant de fléaux en train d'infester la capitale. Il est 4 h 30. C'est le moment de préparer une descente. Les inspecteurs Zoubir, Lamine, Tchontchon donnent les dernières instructions aux éléments d'intervention relevant de la sûreté de daïra de Chéraga, une des plus touchées par le phénomène de la clandestinité. Un quart d'heure plus tard, le convoi de véhicules se met en branle brisant l'obscurité d'une nuit sans étoiles. Trois villas situées aux limites de Chéraga, soit à Djenane Mabrouk, sont ciblées par cette opération. Les consignes données aux éléments de «ne pas faire confiance et d'être vigilants» ajoute à l'appréhension ressentie. Quelques minutes plus tard, le convoi s'immobilise et les policiers se déploient autour du pâté de villas. Il n'y a pas âme qui vive et les ruelles séparant les villas en construction sont plongées dans une obscurité que seules les torches des policiers déchirent. Les hommes sont postés autour des villas pour parer les éventuelles évasions. Les policiers savent que les immigrants sont là malgré les lumières éteintes et frappent à la porte. Le refus d'obtempérer les incite à élever la voix: «Ouvrez c'est la police» crient-ils. A ce moment, une ombre furtive est entrevue à quelques mètres. L'ombre est prise en chasse par les policiers qui l'interceptent quelques secondes plus tard. C'était le propriétaire de la villa que les clandestins appellent «papa». «Pourquoi est-il là à cette heure?», se sont interrogés les policiers. Il est sommé d'ordonner à ses «locataires» d'ouvrir la porte. A peine eut-il prononcé quelques mots que la porte s'ouvre laissant échapper une odeur repoussante de renfermé. «Yazid» le photographe, jusque-là en retrait, se glisse à l'intérieur pour prendre des photos. Il y a là d'innombrables objets déposés pêle-mêle. Des cassettes, du papier à rouler, du tabac jonchant le sol et des mégots de joints attestant la consommation de drogue. Devant le nombre de policiers et la fermeté du traitement, les clandestins n'opposent aucune résistance. Ils remettent leurs passeports et se laissent embarquer docilement dans le fourgon. Seules les femmes tentent de sensibiliser les policiers qui restent de marbre. Une des trois femmes feint d'«être enceinte». «Nous te ferons des analyses et si tu l'es, tu sera relâchée», lui rétorque l'officier. Le même scénario est répété durant l'incursion des autres villas en cours de construction. Les femmes s'insurgent tandis que les hommes, les yeux mi-clos, ne réalisent pas ce qui leur arrivent ou «jouent les innocents», comme le répète l'inspecteur. Ils sont quatre à cinq dans une chambre de quelque neuf mètres carrés. Pendant que les Africains s'habillent, les policiers cherchent des indices parmi les affaires, et d'autres réclament les documents de voyage. Au terme des investigations, 17 clandestins nigériens, maliens, sénégalais et congolais dont 5 femmes sont embarqués à la sûreté de daïra de Chéraga. L'inspecteur Lamine, de loin le plus expérimenté des policiers, entame la série d'interrogatoires au moment où les femmes réunies dans une salle, pleurent leur sort en convoitant la clémence des policiers. Selon les premières constatations, tous les documents de voyage et compostages sont falsifiés. Pour confirmation, ces derniers seront expédiés à la police scientifique pour expertise. Mais Lamine et tous les inspecteurs savent déjà après avoir consulté le fichier que ce sont des récidivistes. En définitive, les 17 ressortissants seront présentés devant la justice pour séjour irrégulier, faux et usage de faux, création de lieux de débauche, consommation de drogue et tentative de corruption sur un officier de police. Cette dernière accusation est venue à la suite de «la proposition d'un des immigrants de remettre des euros au policier en échange de sa relaxe». Ce dernier, un Sénégalais, nous fait part de l'aventure qu'il a entreprise et de ses projets de rejoindre l'Europe via le Maroc.