Gouvernants et gouvernés auraient-ils donc démissionné devant ce tsunami qui ne dit pas son nom ? La wilaya de Batna, 5e dans le classement de par sa superficie et son nombre d'habitants - plus de 1 100 000 habitants, dont plus de 400 000 concentrés au chef-lieu de Batna. Batna-ville, Merouana, Barika et le chef-lieu de daïra croulent sous les immondices. La police de l'urbanisme démolit l'habitat illicite sans exiger l'enlèvement des détritus par les personnes concernées. Les camionneurs et les tractoristes déversent leur chargement impunément en bordure des routes, à l'intérieur des clairières et même dans le parc national de Belzema, une réserve naturelle, faisant ainsi fi des interdictions énoncées par l'administration. Des citoyens au-dessus de la loi imposent leur diktat en ordonnant l'enlèvement des vides-ordures placés par la municipalité, à l'exemple de celui du quartier Kechida. Les amas de canettes jonchant la route de Chelaâla renseignent sur les soirées arrosées tenues à cet endroit. Vente d'alcools non autorisés, ovins pâturant dans les oueds pleins d'immondices, eaux usées et autres détritus charriés par les crues à Batna-ville sont autant de phénomènes qui passent inaperçus. Les dépotoirs de Bouakeul s'érigeant en face du centre de santé et du CHU ainsi que ceux de Bouzourane et des quartiers fument à longueur de journée, rendant l'atmosphère irrespirable. La décharge de la ville de Batna, derrière les blocs en construction de l'AADL, constamment fumante, est la cause principale des escarmouches entre les camionneurs de la municipalité et les habitants. Les autorités affichent un mutisme inexplicable. Moustiques et rats envahissent la cité 1272 Logements. L'OPGI, en 1997-1998, avait dépensé plus de 70 millions de dinars pour réhabiliter ces bâtiments, selon une source informée. Les travaux de réfection des réseaux sanitaires ont été bricolés par des entrepreneurs. Actuellement, l'OPGI s'échine à vider par motopompes les vides sanitaires de 70 blocs. L'éclairage, les VRD et autres espaces verts sont inexistants ou non fonctionnels. L'APC s'essaie à la désinsectisation en été. Fesdis, commune située à 7 km de la wilaya, sur la route de Constantine, permet à ses fellahs d'irriguer leurs parcelles avec des eaux usées. Asthme, maladies à transmission hydrique, peste, typhoïde, tuberculose, rage, leishmaniose, gale sont le quotidien des couches déshéritées de la population. Ces constatations confirmées, nous avons sollicité le président de l'APC de Batna. Ce dernier, en réunion, n'a pu être contacté. Cap sur la wilaya où nous avons été reçus par Larbi Soltani , avocat de profession et ancien maire de Batna. « Ecoutez, dit-il, Batna 2005 n'est plus Batna de 1980 ou 1990, c'est une mégalopole qui s'étend sur 25 km2. Les banlieues telles Tazoult et Fesdis sont désormais rattachées à la ville. L'on n'y peut rien, faute de moyens humains et matériels. » Et d'ajouter : « La responsabilité est collective, les citoyens à travers les associations sont redevables d'un minimum de civisme. » « Il faut aussi savoir que la décennie 1990 a vu le déferlement vers les centres urbains de milliers d'habitants. La ville ne peut faire face à de pareilles pressions, la sururbanisation. » Interrogé sur une éventuelle aide de l'APC ou des associations de protection de l'environnement, le P/APW répondra : « L'institution a débloqué pour Batna 10 millions de dinars. Alors qu'une benne-poubelle coûte 8 millions de dinars. » Quant aux associations, M. Soltani s'interroge sur leur absence : « Elles n'ont présenté aucun bilan, ni de plan de charge. » Dans la foulée, le P/APW exhibe un rapport de la commission environnement établi lors de ses sorties sur le terrain. Le rapport dresse une situation peu reluisante de l'environnement à Batna. Ainsi, peut-on lire : « La responsabilité est collective, sans pour autant déculpabiliser certaines administrations. » Les déchets dangereux et toxiques, tels les consommables hospitaliers, les huiles Askarel et les huiles usagées sont mal gérés par leurs utilisateurs qui ne se conforment pas aux règlements et textes en vigueur. L'accent est surtout mis sur les carrières d'agrégats qui longent le tronçon Batna-Aïn Zouta et qui contribuent au « dépérissement du couvert végétal et à la pollution de l'air », est-il énoncé. « Les exploitants ne se conforment pas aux cahiers des charges. » L'administration concernée est mise à l'index sans qu'elle soit nommément citée. Dans le chapitre pollution, il est reproché aux industriels publics et privés de déverser des produits dangereux dans l'oued Gourzi qui traverse le champ hydraulique approvisionnant Batna en eau. « Des stations d'épuration pour chaque unité doivent être installées. » Ce qui n'est pas le cas, excepté la plus ancienne unité de Sonitex. Dans le chapitre tapis végétal, l'APW déplore le dépérissement du fameux barrage vert des années 1970. « Les rédacteurs s'indignent aussi sur l'éternel chantier de construction de la station d'épuration de Batna. Datant de plus de 25 ans, elle permet le traitement en aval des eaux usées de la zone industrielle. » Le directeur de l'hydraulique déclare que les travaux sont achevés. Une réception imminente de ce vieux projet résoudra les problèmes. Le rapport mentionne aussi les risques, quant aux viandes « abattage clandestin, est-il indiqué, évitant l'abattoir en raison des frais ». Le concessionnaire aurait manifesté son désistement pour le bail. « Il est aussi fait état d'un déficit en aire de jeux et espaces verts, 57 ha pour toute la wilaya, soit moins de 1 ha par commune. » Là aussi, il est fait appel au civisme des citoyens et des associations de quartier.