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Benjamin Stora. Historien et professeur d'histoire, spécialiste de l'Algérie
« Une absence de mémoire juive voulue et assumée »
Publié dans El Watan le 09 - 06 - 2005

Une dizaine de livres seulement abordent l'histoire des juifs d'Algérie. Un éclairage est esquissé par l'historien Benjamin qui prépare depuis plusieurs mois un ouvrage sur cette histoire complexe.
Professeur d'histoire des universités (Inalco et IEP), Stora, fait partie des enseignants signataires de la pétition sur l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 portant « reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés », en ce sens qu'il « impose l'enseignement d'une histoire coloniale officielle » (lire El Watan des 14 et 25 avril 2005).
Quelles sont les raisons du silence mémoriel des juifs d'Algérie ?
L'absence d'une mémoire juive dans la littérature de l'Algérie coloniale est à la fois voulue et assumée parce que, après l'indépendance, les juifs d'Algérie se sont fondus dans la masse des pieds-noirs. Ils ne voulaient pas se distinguer des pieds-noirs. Ils vivaient comme Français, complètement. Ils ont été indemnisés par l'Etat français comme tous les rapatriés. Ce dossier est clos. Pendant 30 ans, les mouvements de rapatriés ont mené campagne pour l'indemnisation. Et dans cette campagne, les juifs ne se singularisaient pas.
Qu'est-ce qui fait la complexité de l'histoire des juifs d'Algérie ?
Les juifs d'Algérie sont à la fois Français, très républicains et en même temps extrêmement attachés à leur identité originelle, à leur quartier, leur village. C'est une mosaïque de petites communautés. Il y avait une grande hétérogénéité sociale, culturelle. Qu'est-ce qu'il y a de commun entre un juif d'Alger, républicain, assimilé, quelquefois franc-maçon, membre de la Ligue des droits de l'homme, et un juif de Constantine ou de Bordj Bou Arréridj attaché à sa synagogue, parlant l'arabe ? Dans des villes comme Aïn Beïda, Khenchela, ils avaient le même univers culturel que les musulmans. Les juifs des montagnes ne sont pas ceux des villes. Les juifs du M'zab, par exemple, n'ont jamais été français, ils ont été faits français par un décret de 1964 et rapatriés par avion par les autorités françaises. L'assimilation française avait fait son œuvre. Le décret Crémieux instauré par le colonisateur français a séparé les indigènes entre eux. Certains juifs d'Alger ont accueilli avec satisfaction le décret Crémieux, même avant, ils étaient partisans de la France. Par contre, les juifs de Constantine ont manifesté une extrême réserve, pour ne pas dire hostilité. Les rabbins de Constantine étaient contre le décret Crémieux parce qu'ils considéraient qu'ils allaient détruire leurs traditions, leurs coutumes. Des rabbins ont laissé des textes (non publiés) dans lesquels ils expliquaient qu'ils ont failli disparaître comme communauté en Algérie à cause de l'acculturation mise en œuvre par la France. Le décret Crémieux a été suivi d'une campagne antisémite très virulente, qui n'avait jamais cessé, parmi les Européens d'Algérie pour l'abrogation de ce décret. C'est pour cela que c'est paradoxal que les juifs d'Algérie se soient fondus dans la masse des pieds-noirs alors que ceux-ci étaient très antisémites.
Sous Vichy, les juifs n'ont-ils pas été soutenus, voire protégés par les nationalistes algériens ?
Quand les vichystes ont proposé à l'élite nationaliste algérienne, notamment à Ferhat Abbas, Messali Hadj qui était en prison avait également refusé, de faire des campagnes antijuives, ils ont refusé. Les Ouléma ont aussi refusé. Ce sont des faits qui, malheureusement dans l'histoire algérienne, ne sont pas revendiqués, alors que les Marocains sont fiers de dire que le sultan a refusé de livrer les juifs à Vichy. Ce fait est enseigné dans leur histoire nationale. Quand les biens juifs en Algérie ont été confisqués, les vichystes ont proposé à des Algériens musulmans de les prendre, ces derniers ont refusé ; sinon comment les juifs auraient-ils pu récupérer leurs biens ? Sur Vichy, musulmans et juifs s'étaient retrouvés au coude à coude. C'est pour cela qu'il y a peu de juifs - il y en a eu, mais pas en nombre - dans l'OAS. Les juifs algériens ne pouvaient pas être avec l'OAS en masse parce qu'il y avait eu Vichy. Ils n'étaient pas pour l'OAS, dont la conception était raciale, ethnique, communautariste. Ils étaient pour la France, mais pour l'égalité des droits. Dans une option républicaine de l'Algérie française, ils étaient pour l'élargissement du décret Crémieux aux musulmans que la France a toujours refusé. La masse d'entre eux n'était donc pas dans le camp du nationalisme algérien, c'est vrai, mais une minorité d'entre eux a rejoint le camp de l'indépendance.
N'y a-t-il pas aujourd'hui l'émergence d'une mémoire juive algérienne ?
Il a fallu attendre pratiquement 40 ans pour que la décantation s'opère, par l'intermédiaire des nouvelles générations. Il y a eu chez les enfants de ces « pieds-noirs très spéciaux » un désir de comprendre pourquoi leurs parents parlaient l'arabe, écoutaient de la musique algérienne... Il y avait aussi la proximité et la connivence avec les enfants de l'immigration algérienne en France dont ils se sentaient plus proches que des enfants d'Européens d'Algérie. Dans certaines familles juives, des enfants nés en France ont été élevés dans la culture algérienne et la langue des parents, alors que l'Algérie, ils ne la connaissent pas. C'est une tradition constantinoise, par exemple. En quittant l'Algérie, les juifs, 130 000, se sont installés en France, contrairement aux juifs de Tunisie ou du Maroc qui, eux, sont partis massivement en Israël. Aujourd'hui, cette communauté issue d'Algérie représente environ plus de 400 000 personnes. C'est la composante la plus importante en nombre de la communauté juive vivant aujourd'hui en France. On retrouve à travers les parcours très singuliers de figures intellectuelles connues toute la complexité du judaïsme algérien. Les intellectuels juifs de France venus d'Algérie ne sont pas identifiés en tant qu'intellectuels d'Algérie. Ils en parlent à la fin de leur vie ou maintenant. C'est le cas de Jacques Attali, par exemple. Qui savait que Jacques Derrida, un des philosophes les plus connus du monde, était d'Alger ? Les derniers textes de Derrida sont très intéressants parce qu'il explique la perte de la langue arabe dans sa famille et pour lui-même, qu'il a vécue comme un trouble identitaire très grave et dont il ne s'est aperçu que très tard.
Comment peut-on interpréter ce retour de juifs en Algérie ? Pour la première fois, un groupe de 137 juifs se rend à Tlemcen...
Le fait de retourner pour la première fois est un acte très fort. Des individus sont déjà repartis en visite en Algérie, mais en collectif, c'est la première fois. Qu'ils aillent en Algérie, avant de mourir, se recueillir sur la tombe de leurs proches, quoi de plus normal, mais de là à dire qu'ils vont retourner vivre en Algérie, je n'y crois pas. Un demi-siècle a passé, c'est fini. C'est une page qui se tourne, mais elle ne peut pas se tourner sans qu'il y ait au moins une forme de pèlerinage.


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