Constituant aujourd'hui le sujet par excellence des débats à l'échelle internationale, la mondialisation a été, jeudi et vendredi derniers, le thème de la 9e rencontre du Centre d'El Khabar pour les études internationales tenue à l'hôtel Sheraton. Une rencontre rehaussée, faut-il le souligner, par un riche panel d'invités de haute facture, issus d'horizons divers et pour qui la mondialisation constitue aujourd'hui le sujet de prédilection. Invités à débattre du thème de la rencontre « Pour une mondialisation équitable : un message d'espoir », les conférenciers ont, chacun de son côté, analysé la situation en se basant surtout sur leur capital expérience cumulé durant des années d'études ou dans des postes de responsabilité. L'ancien directeur général de l'UNESCO, Fréderico Mayor, a été le premier à intervenir en annonçant d'emblée qu'il « ne croit pas à la mondialisation » qui incarne pour lui une culture de force et d'exclusion. Mais il croit plutôt à la « globalité » qui signifie « avoir un regard sur l'ensemble des êtres humains ». C'est l'être humain, dit-il, qui « doit être au centre de tout, car il est capable de créer et d'inventer ». La mondialisation à laquelle nous faisons face aujourd'hui, note le conférencier, est une mondialisation « inéquitable avec plusieurs asymétries ». Aussi, la démocratie dont se targuent les pays avancés n'est pas, d'après Mayor, « celle qu'on nous conte dans les élections (car) le citoyen doit compter et ne pas être compté ». La démocratie est, souligne-t-il, synonyme de « justice, d'égalité et de solidarité morale et intellectuelle ». La situation d'endettement excessif et d'appauvrissement dans laquelle se trouvent aujourd'hui nombre de pays de la rive sud est en partie, note l'ex-patron de l'UNESCO, la résultante des politiques d'ajustement structurel imposées par le FMI. « On demandait à ces pays de privatiser, de réduire les effectifs des administrations et de construire de grandes infrastructures », fait-il remarquer. George Labica, philosophe et professeur émérite de l'université Paris-X Nanterre, estime pour sa part que les « espoirs nés au lendemain de l'effondrement des ex-pays socialistes, concernant la possibilité d'un monde pacifié et maître d'un développement harmonieux, se sont effondrés en moins de dix années ». Le néo-libéralisme de la mondialisation a révélé, ajoute le professeur, « des nuisances » telles que « scepticisme, crainte ou hostilité ». Avec le 3e millénaire, souligne le conférencier, « une nouvelle étape a été franchie qui peut être caractérisée de situation de guerre, sous deux aspects complémentaires : le premier se présente comme ouvertement militaire et qui prévaut depuis les attentats du 11 septembre et le second est économique caractérisé par les défaites des organisations des travailleurs, partis et syndicats, et du ralliement de la social démocrate aux politiques libérales ». Le premier monde des démocraties dites développées n'est nullement, souligne M. Labica, « épargné par l'accroissement des inégalités de tous ordres ». Au rythme des privatisations, flexibilisation, délocalisation et autres précarisations, « libre cours » est laissé, note-t-il, « au démantèlement des acquis sociaux les plus anciens ». Le prix Nobel d'économie Robbert Mundell définit la mondialisation (« globalization » en anglais) comme étant la résultante « des échanges commerciaux libres et illimités ». L'un des « avantages » de la mondialisation, souligne-t-il, c'est l'accroissement des bénéfices. « Elle crée des gagnants et des perdants, mais les gagnants gagnent plus que les perdants en perde », précise le professeur. Abordant la question de la croissance économique, il dira qu'« elle ne peut aller de l'avant de manière effective dans un monde globalisé sans un système monétaire international qui fonctionne bien. La question des balances des paiements peut constituer un frein pour les programmes. Mais le régime flexible des changes tend à générer de l'instabilité, chose à éviter à tout prix ». En se basant sur la notation établie pour chacun des pays (le rating mondial), M. Mundell classe l'Algérie dans la catégorie des économies non libres. Elle occupe la 114e place derrière la Tunisie, le Maroc et l'Egypte. En matière de politique commerciale, l'Algérie détient une très mauvaise note, c'est le cas également pour la fiscalité, la régulation et le système bancaire. Néanmoins, il estime que malgré ce mauvais classement, l'Algérie est un pays qui pourrait bien profiter de la mondialisation en ce sens qu'il dispose de plusieurs avantages comparatifs, notamment les ressources naturelles, le climat, la proximité de l'Europe et la capacité de la main-d'œuvre.