En 1965, Omar Oussedik a été choisi par Abdelaziz Bouteflika pour aller en mission en Chine, en Inde, au Pakistan, en Mongolie et en Corée du Nord pour la préparation de la Conférence afro-asiatique. Le jour même, il est convoqué par Ben Bella qui lui demande de laisser tomber le voyage en Asie pour s'occuper du FFS. Le lendemain, il va voir Bouteflika et lui dit, voilà la mission dont me charge le président. Toi tu m'envoies en mission d'un côté et lui me demande à faire une autre mission ! Arrangez-vous. - Bouteflika : C'est le chef de l'Etat, tu obéis. - Omar : OK. J'y vais. - Bouteflika : Quel est son objectif ? - Omar : Son objectif, c'est de stopper le FFS pour arriver à une conférence afro-asiatique avec un pays calme, stable, tranquille et uni autour de sa personne, ensuite, il s'occupera de vous. - Bouteflika : Tu penses qu'après il va s'occuper de nous ? - Omar : C'est comme du papier à musique. Il a liquidé le GPRA, les wilayas, les personnaltiés qui le gênaient tels Khider, Bitat, etc, il lui reste l'ANP. C'est votre tour qui vient de sonner. - Bouteflika : Qu'est-ce que tu vas faire ? - Omar : Je vais à Paris. - Bouteflika : Est-ce que tu prends position contre nous ? - Omar : Non ! Vous l'avez amené au pouvoir. Vous êtes unis contre le FFS. C'est vous qui le protégez. Alors de deux choses l'une, ou il vous écarte et il restera seul et il nous sera facile à nous de le « liquider » ou bien vous le faites alors là vous vous sauvez. Omar part donc à Paris et trouve le colonel Si Sadek qui était « couvé » par des gens qui ne voulaient pas que Omar le voie. Omar ayant pris de côté Si Sadek, il lui dit Ben Bella et Boumediène vont se taper à coups de couteau jusqu'au finish mais il faut d'abord qu'ils en aient fini avec vous. - Si Sadek : Et alors ! - Omar : Il vaut mieux vous arranger pour qu'ils aient leur partie de plaisir. Le colonel finit par donner les pleins pouvoirs à Omar. La mission a duré cinq jours. Il rentre à Alger et voit Bouteflika en lui disant : Tu as le bonjour du chauve (Chaïb El Ras). - Bouteflika : Tu es en train de faire du marketing ya Si Omar. Omar va voir Ben Bella et lui dit Si Slimane Dhilis (c'est le vrai nom du colonel Si Sadek) te dit il faut que la Conférence afro-asiatique réussisse, il faut que Ben Bella parle au nom de tout le peuple algérien, il faut qu'il ait une solution qui sauvegarde la dignité de tous les militants. Ce qui nous intéresse, c'est la révolution. Alors Ben Bella qui se trouvait avec Ali Mendjli ont eu la même réaction : quel patriote cet homme ! Le lendemain en compagnie de Salah Chellik, il se dirige vers la région de Tizi Ouzou où il avait rendez-vous avec Si Abdelhafid, le responsable des maquis FFS. Omar Oussedik fort des pleins pouvoirs délivrés par le colonel Si Sadek n'a pas eu beaucoup de mal à convaincre Si Abdelhafid qu'il était surtout de son côté malgré sa position de médiateur. Vers 17 h, un passeport a été délivré à Si Abdelhafid par les autorités de Tizi Ouzou. Omar Oussedik a refusé de descendre sur Alger ayant peur d'un barrage militaire ! Et puis on ne sait jamais ! Vis-à-vis de l'armée, Si Abdelhafid était toujours considéré comme hors la loi. Après le compte rendu de sa mission au président de la République, il est autorisé à partir avec Si Abdelhafid sur Paris pour rencontrer Si Sadek. Une délégation a été désignée par Ben Bella composée de trois personnalités dont Si Zoubir Bouadjadj, membre des 22, Aït Hocine, membre du B P, et Béjaoui, ex-membre suppléant du 1er CNRA. Omar Oussedik voulait vraiment que la guerre en Kabylie se termine et il a employé tous les moyens possibiles et imaginables pour y arriver. Il a pris à part Aït Hocine et lui a dit : Ecoute, tu es membre du bureau politique, tu es originaire de la Kabylie, il faut que toute la Kabylie t'appuie, sauve la dignité des gars du FFS et tout le monde sera derrière toi. - Aït Hocine : Je marche Omar prend à part Si Zoubir Bouadjadj et lui pose la question suivante : toi, tu es un homme du 1er Novembre ? - Zoubir : Bien sûr. - Omar : Tes compagnons avec qui tu es aujourd'hui sont arrivés bien après n'est-ce pas ? - Zoubir : Oui. - Omar : Si Sadek et Abdelhafid sont du 1er Novembre comme toi. Est-ce que tu peux accepter que des gens comme ça rentrent la tête baissée ? - Zoubir : Ah non ! Omar n'a absolument rien dit à Béjaoui. Ces trois hommes, militants de la première heure, étaient choisis par Ben Bella. La délégation du FFS était composée de Si Sadek, de Si Abdelhafid, de Benyounès dit Daniel et de « Rouget » de Djidjelli. La négociation s'est déroulée dans l'appartement de Mourad Oussedik à Paris qui lui comme Omar n'avaient rien à voir avec les deux parties. Après plusieurs heures de négociations, Omar, s'adressant à la délégation choisie par Ben Bella, leur dit : Il faudrait que tous ceux qui sont morts des deux côtés soient considérés comme des martyrs. D'accord. Que leurs veuves et leurs enfants touchent une pension. D'accord. Il faut que tous les détenus soient libérés. D'accord. Il faut que tout le monde reprenne son travail. D'accord. Ceux qui ont été nationalisés reprennent leur bien. D'accord. Puis à la fin, Omar demande qu'il y ait un communiqué commun. Béjaoui répond : « Ce n'est pas nécessaire, le FFS va lancer un appel disant comme ci, comme ça et le FLN lui aussi lancera son appel et tout le monde sera content. » Omar répond non. Des chefs d'Etat vont arriver, il faut rassurer tout le monde. Ni Sadek, ni Benyounès, ni Abdelhafid, ni Rouget ne voyaient l'utilité du communiqué commun. Omar se retourne vers Zoubir et Aït Hocine et leur dit : « N'est-ce pas qu'il faut le communiqué commun ? » Ils ont répondu d'une même voix : « Bien sûr qu'il faut ce communiqué commun et toi, Omar, rédige-le. Omar s'est mis sur-le-champ au travail : « Le FLN et le FFS décident de mettre fin aux hostilités et appellent tous les militants révolutionnaires à se mobiliser pour la lutte contre la contre-révolution », etc. Omar rentre à Alger en compagnie de Abdelhafid et Benyounès. Dix mois avant, Omar Oussedik avait demandé à Ben Bella de lui remettre Azzedine et Boualem (qui se trouvaient en résidence surveillée à Tamanrasset et à Timimoun) afin de les emmener à Sofia où il était ambassadeur tout en se portant garant. Ben Bella lui a répondu : « Viens me voir dans huit jours. » Lorsque Omar s'est rendu au rendez-vous fixé, Ben Bella au pas de la porte de son bureau lui dit : « Qu'est-ce que tu viens faire ? » « C'est pour votre réponse au sujet de Boualem et Azzedine. » Ben Bella : « Je n'ai rien à dire, fous le camp ! » Omar après avoir informé Bouteflika lui demande de rallonger un peu son congé. Ce dernier lui a dit : « Va à Cannes, va à Nice, va dans n'importe quelle boîte de nuit mais pars, tu t'imagines un ambassadeur arrêté, ça va être le premier du genre et moi je n'en veux pas. » Omar a pris l'avion et il n'était réellement sûr que lorsqu'il survolait l'Italie. Revenons un peu en arrière lorsque Omar est revenu de Paris avec l'accord de Si Sadek et avant d'aller au maquis FFS. Profitant de cet avantage, Omar est revenu à la charge et a redemandé à Ben Bella la libération de ses deux amis Boualem et Azzedine. Ben Bella cette fois-ci lui a répondu d'une autre façon et d'un autre ton que la première fois : « Ne t'en fais pas, je te les donne et puis pourquoi je vais les garder ? Ce sont des militants » etc. C'est à Paris pendant les négociations FLN-FFS relatées plus haut que Omar reçoit un coup de téléphone lui disant « Azzedine sera à Alger tel jour, telle heure. » Omar appelle Salah Chellik et lui dit : « Va à l'aéroport et dis à Azzedine de ne rien déclarer à la presse, de se la boucler et surtout ne le lâche pas d'une semelle car je connais cette tête de mule. Qu'il m'attende, j'ai beaucoup de choses à lui dire. » Au retour de Omar de Paris avec des gens du FFS, il vient me voir et m'informer que la situation évolue positivement et que ça va éclater et qu'il poussait dans ce sens. Il m'a dit aussi que sa préférence allait plutôt pour les militaires que Ben Bella. « Maintenant regardons le machiavélisme de Ben Bella, il me libère mais laisse Boualem en prison pour garder un moyen de pression sur nous. » Quelque temps avant le 19 juin, il serait bon de rappeler cette anecdote. Fetal Mustapha alors préfet de police de Ben Bella s'est rendu à Timimoun pour jauger les détenus Bentoumi et Boualem. Bentoumi lui avait dit : « Nous sommes prêts à nous mobiliser contre le danger de l'armée » etc. Fetal s'est retourné vers Boualem et lui a dit : « Et ton avis ? » Boualem a répondu qu'il était très bien à Timimoun. Omar en arrivant à Alger avec la délégation FFS trouve Aït Hocine à l'aéroport et lui dit : « Je n'ai pas de message spécial à transmettre au président, tu as bien constaté que Si Sadek a été plus que chaleureux et il n'a pas changé d'opinion etc. Moi je vais rejoindre mon poste d'ambassadeur et ça serait bien que ça soit toi qui fasse le compte rendu puisque tu es membre du BP. » Aït Hocine ne demandait pas plus. Omar va voir Bouteflika et lui présente le communiqué commun qui a été rendu public le jour même. Ce dernier fait un bond digne d'un athlète performant et lui dit : Un communiqué commun avec une organisation illégale, etc. - Omar : Oui. - Bouteflika : Mais Omar, c'est contre le principe du parti unique ! - Omar : avant de partir d'ici, tu le sais, je t'ai dit que je ne suis pas concerné par le FLN. J'ai des amis en face et mes amis je les défends. J'ai réussi à faire passer le communiqué commun à ton membre du BP, j'ai eu aussi Béjaoui. C'est moi qui ai poussé à la confection et l'adoption du principe du communiqué commun et je l'ai fait pour mes amis parce que leur dignité me concerne et c'est moi qui suis responsable. - Bouteflika : Je ne peux te blâmer pour ça, mais combien moi aussi je voudrais compter sur ton amitié dans des moments difficiles. - Omar : Jusqu'à présent on s'entend très bien ! Mon amitié t'est acquise à condition qu'elle soit sur une base de réciprocité. - Bouteflika : Est-ce que Si Sadek a changé d'opinion ? - Omar : Non. - Bouteflika : Pour une discussion sérieuse, allons à mon appartement. Omar au passage prend Azzedine et se retrouvent tous les deux chez Bouteflika, d'où une discussion est engagée qui durera quatre heures. Il faut mentionner que Cherif Belkacem, Medeghri et Gaïd Ahmed sont arrivés par la suite vers la fin de la discussion. - Bouteflika : Comment voyez-vous la situation ? - Omar : Maintenant les choses sont très claires. Vous allez être arrêtés le 25 juin, le jour de l'ouverture de la conférence. Ben Bella va se lever pour dire : ‘'Un complot vient d'être déjoué, l'armée est impliquée, les responsables sont Boumediène, Bouteflika, Gaïd Ahmed, Cherif Belkacem, etc.'' - Bouteflika : Quels sont les éléments d'informations ? - Omar : L'armée égyptienne a renforcé ses positions à Boufarik (aviation). En plus, il y a une partie de la marine qui se dirige sur Alger venant d'Alexandrie pour soi-disant une visite officielle. Pendant les quatre heures de discussion extrêmement sérieuses, il y avait de la musique classique pour éviter qu'on nous entende. - Bouteflika : comment vois-tu la situation ? - Omar : Commençons par la Wilaya III, elle ne bougera pas pour défendre Ben Bella. La Wilaya II ne bougera pas ainsi que la Wilaya IV. Quelque chose de sporadique peut-être en Wilaya V. Quant à la Wilaya VI, elle ne bougera pas pour les raisons que tu sais (colonel Chaâbani exécuté, Khider, arrestations des militants). La Wilaya I ne bougera pas aussi. Le danger va venir d'Alger. Vous n'avez pas de base populaire. Et si Alger bouge, attention ça risque de se propager. - Bouteflika : Et alors ? - Omar : La meilleure façon de faire échouer son complot et de le renverser. C'est d'aller au-devant des demandes du FFS et d'appliquer honnêtement les accords conclus. Il faut aussi commencer par dégager les troupes de l'ANP se trouvant en Kabylie. - Bouteflika : Je voudrais vos numéros de téléphone.