Considérées comme l'aire naturelle du développement économique local, la vingtaine de zones d'activité que compte la wilaya de Tizi Ouzou ne sont toujours pas convenablement exploitées.Certaines d'entre elles sont des terrains désertiques, laissés en jachère. D'autres ont été carrément dévoyées de leur vocation. Plusieurs zones d'activité ont été en effet transformées, en partie, en cités résidentielles où l'on a construit également des locaux à différents usages, qui n'ont aucun lien avec l'investissement industriel proprement dit. L'absence d'un minimum de conditions favorables, telles que l'eau, l'électricité et des routes praticables dans la majorité des zones d'activité, est la principale raison qui a découragé les nombreux opérateurs locaux et étrangers qui souhaitaient implanter leurs projets dans la région. Interrogé à ce sujet, M. Medjkouh, président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Tizi Ouzou, nous répond : « Des activités qui ne méritent pas d'avoir lieu dans ces zones ont été introduites et sont à l'origine de beaucoup de fléaux sociaux. Les services concernés sont au courant de la situation, mais personne n'agit pour mettre fin à l'anarchie qui nous empoisonne la vie en tant qu'opérateurs. » Les zones d'activité de Tala Athmane et des Dépôts, gérées par l'APC de Tizi Ouzou, sont deux exemples très illustratifs de l'anarchie et de la démission presque totale des services concernés (lire encadré). Le président de la CCI estime que « l'absence d'une politique de gestion et de promotion de l'investissement de la part des pouvoirs publics pour attirer les opérateurs a donné à ces zones un pouvoir de répulsion. Cela fait perdre à la wilaya beaucoup d'argent en matière de fiscalité et d'assurance ». En faisant fuir les investisseurs, l'on compromet également la chance de création de nouveaux emplois qui freinera le phénomène de l'exode rural. Selon M. Medjkouh, le climat d'instabilité qui règne dans la région ces dernières années a contraint une quinzaine d'opérateurs à délocaliser leurs unités, alors qu'une dizaine d'autres ont abandonné avant même qu'ils ne s'y installent. Les opérateurs déplorent aussi les problèmes de bureaucratie au niveau de « l'administration qui nous fait obligation de respecter les cahiers des charges sans nous garantir le minimum de conditions qui nous permettent de travailler sereinement ». Propriétaire de 11 zones d'activité à travers l'ensemble du territoire de la wilaya, M. Ould Rabah, directeur de la Société de gestion immobilière de Tizi Ouzou (Sogi Spa), nous dira à ce propos : « Il est vrai que les investisseurs rencontrent d'énormes difficultés pour concrétiser leurs projets, mais en ce qui nous concerne, nous leur facilitons toutes les démarches. Nous les accompagnons durant tout le processus de création de leurs entreprises, selon nos moyens et les conditions fixées dans les cahiers des charges que nous imposons pour lutter contre les spéculateurs et les faux investisseurs. » mode de gestion Selon le responsable de la Sogi Spa, le véritable problème est surtout celui de l'absence de la culture de l'investissement dans notre pays. Pour preuve, il cite l'exemple d'une tentative de détournement par certains citoyens de la zone d'activité de Fréha pour la construction d'une cité résidentielle. Ce genre de situation et tant parmi d'autres ont poussé les responsables de la Sogi Spa à annuler les décisions d'attribution de terrains acquis par des opérateurs qui n'ont pas respecté leurs engagements. « Nous avons annulé, à trois reprises, les décisions d'attribution de terrains dans la zone d'activité de Draâ Ben Khedda pour le non-respect des cahiers des charges que nous avons signés avec les opérateurs », explique M. Ould Rabah. Pour M. Medjkouh, le problème est tout autre. Selon lui, il s'agit plutôt de « l'absence d'une politique économique de gestion de la part des pouvoirs publics pour prendre en charge ces zones industrielles et dont l'état d'abandon reflète parfaitement leur volonté à bien développer l'économie locale ». C'est peut-être ce qui explique l'implantation de seulement une quinzaine d'unités sur 250 opérateurs potentiels que les zones d'activité de la Sogi Spa peuvent accueillir. Un chiffre qui reste loin d'être satisfaisant si l'on observe les besoins de la wilaya et les potentialités humaines qu'elle recèle. Cependant et contrairement à ce que peuvent penser les autres observateurs, M. Ould Rabah estime que ce sont des résultats très encourageants vu l'instabilité qu'a vécue la Kabylie ces dernières années. Que suggère-t-on ? Pour réussir à faire des zones d'activité de la wilaya de Tizi Ouzou un véritable pilier de l'économie locale, le président de la CCI souligne la nécessité de revoir le mode de gestion des zones industrielles qui doivent être prises en charge d'une manière rationnelle et pragmatique. Il suggère plus de clairvoyance de la part de ceux qui sont chargés de les animer. Notre interlocuteur prône l'idée de confier la gestion des différentes zones d'activité aux professionnels en association avec les institutions de l'Etat. Selon lui, « les opérateurs économiques, qui sont les premiers concernés, doivent être associés aussi aux opérations de mise à niveau des zones industrielles, car, jusqu'à maintenant, notre avis n'est jamais pris en considération. Il est marginal ». La viabilisation de toutes les zones d'activité est l'un des grands problèmes qui ne peuvent pas être réglés sans la disponibilité de moyens financiers suffisants. A ce propos, une enveloppe de 30 milliards de dinars a été dégagée pour la prise en charge des zones d'activité de Mekla, Boghni, Tala Athmane et Draâ Ben Khedda. « Sans une prise en charge réelle de la part des services concernés, ces zones demeureront ce qu'elles sont aujourd'hui, des no man's land », conclut M. Medjkouh.