La gigantesque offre publique de travaux impulsée par le plan de soutien à la croissance économique, notamment dans les secteurs de l'habitat et de l'équipement qui accapareront à eux seuls entre 6 et 7 milliards de dollars par an, pose avec acuité la question de l'industrialisation de la construction à défaut de laquelle il serait illusoire d'espérer des performances productives à la mesure des objectifs de livraisons massives (200 000 logements par an) fixés par le gouvernement. Réaliser autant de logements ainsi que leurs équipements d'accompagnement avec des méthodes et des techniques de réalisation archaïques comme c'est actuellement souvent le cas, c'est à l'évidence se condamner d'avance à perdre le challenge à moins de confier l'essentiel des programmes de construction à des firmes étrangères qui viendraient en Algérie avec l'ensemble des moyens requis. Ce n'est évidemment pas la solution, car s'il en était ainsi le plan de soutien à la croissance économique perdrait sa raison d'être (donner du travail aux entreprises existantes et susciter la création de nombreuses autres), pour devenir au bout du compte un catalyseur non pas pour notre économie mais pour celles d'un certain nombre de pays étrangers fortement représentés par leurs entreprises. C'est le cas de la Chine dont les entreprises réalisent une trentaine de milliers de logements ainsi que des gros équipements en Algérie. D'autres pays comme la Turquie, la France et l'Egypte s'installent également en force pour prendre d'importantes parts du marché de la construction généré par le plan de soutien à la croissance. Ce sont autant de marchés qui auraient dû revenir aux entreprises algériennes si elles étaient suffisamment organisées et outillées pour prendre en charge la réalisation de grands projets d'habitat et d'équipements. Ce qui n'est malheureusement pas le cas, les entreprises algériennes capables de livrer un millier de logements par an étant quasiment inexistantes. La plupart de nos entreprises en sont encore au mode de production archaïque (coffrage en bois, cloisons érigées brique sur brique, etc.) et pour celles qui ont tenté d'industrialiser leur process de réalisation, les obstacles bureaucratiques ont rapidement stoppé leur ardeur. solidité Ce n'est que tout récemment que le gouvernement algérien a compris l'importance de l'enjeu de l'industrialisation de la construction en créant quatre grands groupes industriels du bâtiment ayant pour mission essentielle de constituer des outils de réalisation suffisamment industrialisés et intégrés pour concurrencer les grandes firmes étrangères de plus en plus nombreuses à s'intéresser au marché algérien qui leur est désormais ouvert. Par industrialisation de la construction, nous entendons la mise en œuvre de méthodes modernes permettant de produire massivement et rapidement des logements et des équipements tout en préservant l'esthétique et la solidité du bâti. Elle implique l'utilisation de nouvelles techniques (en constante amélioration), des équipements de production modernes (coffrages métalliques à séchage et déplacement rapides) sans omettre l'utilisation de matériaux de construction nouveaux, mieux adaptés et disponibles (plaques de plâtre, pierre taillée, brique silicocalcaire, sable de carrière, etc.). C'est une démarche qui implique l'intervention de nombreuses entreprises, chacune maîtrisant parfaitement un métier de base bien précis, et dont la mise en réseau confère un surcroît d'efficacité à l'industrie nationale de la construction qui pourrait ainsi réaliser des programmes beaucoup plus importants qu'elle n'en est capable aujourd'hui. Le BTPH, mais sans doute plus encore la construction de logements, étant un secteur d'activité ensemblier par excellence, les programmes de construction du plan de soutien à la croissance devraient se traduire sur le terrain par la création de nombreuses PMI et PME maîtrisant les différents corps de métiers du bâtiment. Le rôle de l'Etat devrait alors consister à encourager les investisseurs qui en ont les capacités techniques à investir les créneaux d'activité dont l'industrie nationale de la construction a le plus besoin pour son affirmation en tant qu'outil de réalisation moderne et performant. Avec un niveau d'offre publique de travaux aussi important que celui qui sera impulsé par le PSCE, il y a de bonnes raisons d'espérer la création de milliers d'entreprises dans les fort nombreux créneaux d'activités qu'offre le BTPH. A titre d'exemple, il faut savoir que pour réaliser un logement, près de 2200 articles et matériaux de construction sont nécessaires. Autant de produits qu'il faudra nécessairement produire en Algérie ou à défaut importer. Le but du PSCE consiste précisément à rendre attractifs les divers segments du marché de la construction pour les acteurs nationaux avant tout, sans quoi le gros des capitaux investis par l'Etat profiterait aux sociétés étrangères fournisseurs de matériaux et d'équipements de construction ainsi qu'à celles qui sont directement impliquées dans la construction. L'Algérie ne ferait alors qu'aggraver son état peu enviable d'importateur net de matériaux et plus grave encore de main-d'œuvre. Pour impulser une nouvelle dynamique à l'industrialisation de la construction, les maîtres d'ouvrages (minsitères, wilayas, APC, OPGI et autres promoteurs) et les maîtres d'œuvre (bureaux d'études) ont évidemment un rôle majeur à jouer. Ce sont eux, et eux seuls, qui, par la teneur des cahiers des charges et des plans de réalisation qu'ils imposeront aux constructeurs, pourront tirer l'industrie du bâtiment vers le haut, autrement dit vers la modernité. En imposant des techniques et des matériaux de construction judicieusement choisis en fonction de l'importance et de la localisation des projets, ils pousseront les constructeurs à améliorer les procédés de construction et les producteurs de matériaux à promouvoir les produits prescrits par les maîtres d'œuvre. L'Algérie n'a de chance de promouvoir une industrie moderne de la construction qu'à cette condition.