Moins de vingt-quatre heures après que Londres eut célébré la victoire olympique, une série d'explosions a semé la mort et la destruction jeudi matin dans le métro de la capitale et détruit un bus impérial (bus à deux étages), faisant, selon un bilan provisoire, 37 morts et plus de 700 blessés, dont certains dans un état très grave. Le premier attentat a eu lieu à 8h15 dans un tunnel, près de la gare de Aldgate. Cinq minutes plus tard, 21 personnes au moins sont mortes dans une explosion qui s'est produite dans un tunnel entre les stations de métro de King's Cross et Russell Square. A 9h17, une explosion a eu lieu à la station de Edgware Road, touchant trois trains et causant des dégâts matériels et humains. Exactement trente minutes plus tard, une quatrième bombe explose dans un bus impérial bondé à cette heure de pointe. Les scènes qui ont suivi ces explosions sont familières : des ambulances et des voitures de police qui filent à grande vitesse, sirènes hurlantes ; des hélicoptères qui tournent dans le ciel ; des images de panique, de personnes sortant des bouches de métro, couvertes de sang, choquées, les yeux hagards. La zone une de la ville a immédiatement été encerclée par la police, tandis que les autorités décidaient d'interrompre pour une durée indéterminée la totalité du trafic des métros et des bus, provoquant la paralysie de la ville. Le réseau de téléphonie mobile a également été coupé. La carcasse éventrée du bus rouge impérial gisait sur la place Russell Square, près du British Museum. Des témoins ensanglantés et recouverts de bandages ont raconté avoir vu des foules paniquées fuir, alors que des bris de glace et autres débris étaient projetés par le souffle de la déflagration. Jeudi soir, des milliers de personnes ont tenté tant bien que mal de rentrer chez elles à pied faute de transport, alors que les voitures particulières étaient prises dans d'impressionnants embouteillages. Certains Londoniens ont été prompts à voir dans ces attaques le résultat de la participation britannique à la guerre en Irak. La Grande-Bretagne a ainsi vécu l'attaque terroriste la plus meurtrière. La dernière en date remonte à 1974 avec une bombe dans un pub de Birmingham de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), qui a tué 21 personnes. Les enquêteurs pensent que la bombe dans le bus impérial aurait pu être actionnée par un kamikaze ou aurait pu exploser par accident, alors que son porteur se dirigeait vers une autre cible. A quelques centaines de kilomètres de là, dans la ville écossaise de Gleneagles, le Premier ministre britannique, Tony Blair, visiblement ébranlé, a pris la parole pour dénoncer une série d'attaques terroristes « barbares », clairement destinées, selon lui, à coïncider avec le début du sommet du G8, les huit pays les plus riches. Entouré des dirigeants les plus puissants de la planète, comme pour envoyer un signal de solidarité et de détermination aux terroristes, le Premier ministre britannique a assuré que les pays du G8 étaient « unis » dans leur « détermination à affronter et à faire échec à ce terrorisme ». Tony Blair a quitté en catastrophe le sommet du G8 pour se rendre, au cours de l'après-midi, à Londres afin d'assister à une réunion de la cellule de crise de l'équipe Cobra ainsi nommée. Dans un discours télévisé, le locataire du 10 Downing Street a déclaré que « les terroristes essaient d'utiliser le massacre d'innocents pour nous faire plier, pour nous faire peur et nous empêcher de continuer à vaquer à nos occupations ». « Ils ne doivent pas réussir. Quand ils essaient de nous intimider, nous ne serons pas intimidés. Quand ils essaient de changer notre pays et notre façon de vivre, nous ne changerons pas », a-t-il ajouté. La police britannique dit n'avoir reçu aucune revendication. Toutefois, un groupe se faisant appeler « Organisation secrète Al Qaîda en Europe » a revendiqué la série d'attentats en représailles à l'engagement militaire de la Grande-Bretagne en Irak et en Afghanistan. Le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, a estimé, à Gleneagles, que ces attaques portaient « la marque d'Al Qaîda » et en avaient « également sa cruauté ». De Londres, une capitale qui la veille encore était envahie par la liesse après l'annonce de l'attribution des jeux Olympiques 2012, Tony Blair a, lui aussi, montré du doigt le terrorisme islamiste. Les terroristes « agissent au nom de l'islam », mais la plupart des musulmans à travers le monde « déplorent cet acte de terrorisme », a-t-il déclaré avant de promettre de « traîner en justice les responsables ». Le gouvernement a estimé que le caractère coordonné des explosions, quasi simultanées, portait la marque du réseau islamiste Al Qaîda. Scotland Yard a d'ores et déjà lancé une demande de renseignements à toutes les polices d'Europe sur un homme s'appelant Mohamed Al Guerbouzi. La police britannique a fait savoir qu'il a séjourné à Londres et est considéré comme l'un des membres fondateurs du GICM, le Groupe islamique combattant marocain, dont le nom, selon Scotland Yard, était apparu lors de la vague d'attentats perpétrés à Casablanca il y a deux ans. La vie a repris timidement vendredi matin. Les bouches de métro étaient moins bondées que d'habitude. Et pour cause ! La police a conseillé aux Londoniens de se rendre au travail que si cela était vraiment nécessaire. En effet, le gouvernement britannique a déclaré vendredi matin que le pays pourrait connaître de nouveaux attentats dans le sillage des explosions de jeudi. « Nous devons avoir pleinement conscience du risque de nouveaux attentats et c'est pourquoi nos efforts se concentrent aujourd'hui sur l'identification des auteurs et leur traduction en justice », a déclaré le ministre de l'Intérieur, Charles Clarke, à la radio BBC.