L'annonce risque de couper le souffle aux millions de salariés en mal de la cherté de la vie. Ahmed Ouyahia a écarté, jeudi dernier, toute augmentation du salaire national minimum garanti (SNMG). Du moins pour l'instant. Au sortir de la minitripartite tenue au Palais du gouvernement (Alger) avec le secrétaire général de l'UGTA et les représentants des six organisations patronales privées et publiques, le chef du gouvernement a tenu à démentir une information selon laquelle un accord tacite aurait été trouvé entre les trois partenaires pour revoir à la hausse les salaires des travailleurs qui ne répondent plus au coût réel de la vie. « Nous n'en sommes pas là », a-t-il déclaré aux journalistes. Le chef de l'Exécutif renvoie ainsi la problématique de la revalorisation des salaires aux futures conclusions du groupe de travail qui se penche, depuis avril dernier, sur la controversée question de la suppression de l'article 87 bis de la loi 90/10 relative au SNMG. Et encore, Ahmed Ouyahia, qui se dit pragmatique et homme de toutes les situations, ne voit pas dans cette question « une mince affaire », tout comme d'ailleurs ses « partenaires socioéconomiques ». Le chef du gouvernement continue ainsi à agiter l'épouvantail de graves répercussions financières qui risqueraient même d'emporter les entreprises publiques si fragiles. M. Ouyahia, faut-il le rappeler, a réussi à faire taire l'UGTA lors de la tripartite tenue le 3 mars dernier, qui a fait de la suppression de l'article 87 bis son cheval de bataille depuis 2003. Puisant dans son lot de chiffres dont l'authenticité reste difficile à vérifier, le chef de l'Exécutif a expliqué son niet opposé à la suppression de cet article controversé par le fait que cela va induire, inéluctablement, une dépense supplémentaire de l'Etat qui s'élèvera à 550 milliards de dinars. Une somme colossale qu'Ouyahia refuse de débourser. Du moins, en une année. « C'est vrai que l'article en question véhicule une injustice à réparer pour améliorer la situation socioprofessionnelle des travailleurs, mais il est difficile de payer 550 milliards de dinars en une année. Cette somme sera versée par l'Etat à hauteur de 500 milliards de dinars et les autres 50 milliards de dinars seront assumés par les entreprises publiques », a-t-il déclaré le 4 mars dernier à la clôture de la dernière tripartite. Il a même ajouté que l'une des conséquences immédiates est que « 75% de ces entreprises vont disparaître et l'inflation augmentera de 2%, ce qui entraînera une baisse du pouvoir d'achat ». Mais le pouvoir d'achat actuel des citoyens est-il suffisamment élevé pour qu'un salarié puisse subvenir aux besoins les plus élémentaires de sa famille ? La réponse est sans doute négative. Car il n'est secret pour personne que les prix des produits de base ont quadruplé depuis la dernière revalorisation du SNMG et que le salaire moyen d'un travailleur n'est plus en mesure d'assurer durant 30 jours la nourriture pour un foyer de cinq âmes. De plus, le SNMG est officiellement fixé à 10 000 DA. Mais réellement, il est à 8 000 DA, car beaucoup de travailleurs se sont plaints de n'avoir pas encore perçu la dernière augmentation de 2000 DA qui remonte à la tripartite de 2004. Pour M. Ouyahia, le raisonnement est simple : tant qu'il n'y pas de croissance économique réelle, il n'y aura pas de revalorisation salariale. Encore là, y a-t-il une croissance économique réelle en 2000 justifiant l'augmentation de 33% du SNMG ? L'Algérie n'a-t-elle pas les moyens financiers permettant d'assumer les conséquences de la suppression de l'article 87 bis ? Il est à retenir que le pays dispose d'au moins 46 milliards de réserves de change. Devant un tel constat, le chef du gouvernement compte aboutir à la signature du Pacte économique et social avec les représentants des six organisations patronales et le secrétaire général de l'UGTA. Un « pacte sociétal », selon Abdelmadjid Sidi Saïd.