La périphérie d'Oran grouille de gendarmes et de policiers en cette soirée du 14 juillet 2005. Le déploiement de plus de 600 éléments de ces deux corps de sécurité, commandés par leurs premiers responsables respectifs au niveau local, a pour mission d'engager une action de police commune. Objectif : la lutte contre la criminalité. Décidée au plus haut niveau de ces institutions républicaines, l'opération est une première nationale. « Par son envergure notamment, car il faut savoir que la complémentarité a toujours animé nos institutions respectives », explique le lieutenant-colonel Benamane, commandant du groupement de la Gendarmerie nationale d'Oran. La deuxième ville du pays a été choisie pour être ainsi la ville pilote. Un choix étudié par rapport à la forte criminalité qui caractérise la capitale de l'Ouest. L'expérience qualifiée de succès par les services de sécurité devra s'étendre à travers le territoire national. Alger, Constantine, Annaba, Blida, Sétif, Béchar ou encore Tlemcen suivront. « Pendant des années, la Gendarmerie nationale et la police étaient totalement engagées dans la lutte contre le terrorisme. Une urgence à laquelle il fallait parer car l'Algérie était menacée. Entre temps, la criminalité et le grand banditisme ont pris de l'ampleur. Nos deux institutions vont renforcer davantage leur coopération afin d'endiguer ces phénomènes », soutient le colonel Ayoub, directeur de l'information au commandement général de la Gendarmerie nationale. Hay Sabah, un quartier périphérique populeux d'El Bahia. Il est 21h30. En présence du lieutenant-colonel Benamane et du commissaire divisionnaire Arabiche (ndlr : premier adjoint au chef de Sûreté de wilaya), les « verts » et les « bleus » font signe à un bus : stop ! « Un contrôle d'identité de routine, mais qui peut très bien aboutir à quelques arrestations », nous dit le commandant de groupement. Après vérification, les gens sont priés de reprendre leur bus. « Ces gens n'ont rien à se reprocher. Notre devoir est de les laisser en paix », rétorque le commissaire principal Latrèche, commandant des unités d'intervention de la police d'Oran. Hay Sabah est une concentration d'immeubles abritant plusieurs milliers d'habitants. La localité, connue comme l'un des sites les plus chauds de la wilaya d'Oran, est placée sous la responsabilité sécuritaire de la Gendarmerie nationale. Hay Sabah se trouve dans la partie extra-muros de la ville d'Oran. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas de sûreté urbaine. La pauvreté, terreau de la criminalité Un citoyen, surpris de voir autant de gendarmes et de policiers dans sa cité, a cru d'abord à une descente antiterroriste. « Je n'ai jamais vu cela. Pourquoi ne pas multiplier ce genre d'action ? L'insécurité règne chez nous. Un commissariat de police ou une brigade de Gendarmerie nationale s'impose dans cette cité », lance-t-il après avoir eu vent de l'objet de cette mission combinée. Selon le premier responsable de la Gendarmerie nationale d'Oran, un projet de création d'une brigade à Hay Sabah est à l'étude. Ce corps de sécurité s'installe là où il est nécessaire. Il n'est pas contraint de se conformer scrupuleusement à la carte administrative qui suggère la présence d'une brigade dans chaque commune. Bir El Djir, une banlieue érigée en commune, est dotée de trois brigades et un poste fixe. Il faut dire que cette APC abrite plus de 200 000 habitants concentrés dans les localités de Bir El Djir, Sidi El Bachir et le quartier dit USTO. La population qui s'y trouve égale celle de certaines wilayas du Sud. Selon les statistiques, les taux les plus importants des crimes et délits sont commis dans cette zone. Rares sont les jeunes qui ne sont pas « armés » d'un cran d'arrêt. « C'est pour me défendre. Je n'utilise le couteau qu'en cas de légitime défense », se défend un homme d'une trentaine d'années, interpellé par les gendarmes lors de la descente du 14 juillet au douar El Hammar, à Sidi El Bachir. A notre arrivée sur les lieux, une centaine de jeunes nous prennent d'assaut. « Nous avons besoin de goudron et d'eau potable. Nous en avons marre de porter la bouteille de gaz, car il n'y a pas de gaz naturel », scandent-ils. La route, ou plutôt un semblant de piste cabossée, est quasiment impraticable. La commune est en train de creuser au milieu de la chaussée afin d'installer un réseau d'évacuation des eaux usées. « Les travaux n'ont pas l'air de finir. Qu'ils réactivent le chantier, car s'ils ne le font pas avant l'hiver, vous ne pourrez même pas marcher en période de pluie », se plaignent-ils. El Hammar est une concentration de constructions illicites. Les habitants, en majorité originaires de l'intérieur du pays, ont fui le terrorisme. « Nous voulons un stade. Il n'y a aucun moyen de se distraire ici », font remarquer un groupe de jeunes chômeurs. « Peut-être que cette doléance, au demeurant réalisable et pas coûteuse, sera pour beaucoup dans la diminution de la délinquance dans ce douar », commente un officier des services de sécurité.