Plus la «sécurité intérieure» investit les villes, plus le sentiment est grand que les rapports services de sécurité-citoyens restent à trouver. Des policiers qui investissent les marchés, les places publiques et les centres urbains, qui patrouillent pendant ces nuits de Ramadan dans les quartiers populaires les plus hostiles, des gendarmes qui quadrillent la capitale, le littoral algérois et mettent la circulation routière sous le microscope; voilà, des images qui renseignent sur les nouvelles stratégies élaborées par les service de Ali Tounsi et d'Ahmed Boustila et qui sont destinées beaucoup plus à regagner la confiance des citoyens qu'à sécuriser les agglomérations urbaines et la périphérie de la capitale. La «sécurité de proximité», lancée comme un grand projet de la sécurité intérieure, a été conçue pour faire pièce aux groupes armés urbains qui avaient pu, tout au long des années «d'absence de l'Etat», contrôler les quartiers populaires d'Alger et de sa périphérie. Plus tard, à partir de 2001, la sécurité de proximité s'est transformée en une volonté effrénée de la part des tenants du néo-sécuritaire de (re)gagner la confiance des citoyens. La lutte antiterroriste avait créé entre les divers corps de sécurité une concurrence qui tournait parfois à la cacophonie : ni les champs d'investigation ni les domaines de compétence n'étaient délimités, les procédures de justice n'étaient pas respectées, et on avait l'impression d'être en plein dans un no man's land sécuritaire où tout pouvait être fait, où toutes les dérives étaient tolérées, et sans que quelqu'un y trouve à redire, au nom de la sacro-sainte lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, l'on peut voir des policiers de la Bmpj qui régulent le stationnement à Chevalley, Chéraga ou Ben Aknoun, après avoir été une troupe d'élite entraînée à la chasse aux GIA, à la périphérie. Les policiers, de nouveau, essayent de se mêler à la foule et c'est bien cela ce que cherche le directeur général de la sûreté nationale. A diverses reprises, durant l'année en cours, il affirme clairement que son objectif est d'installer des ponts de confiance entre la police et les citoyens, qualifiés de «premier palier de la sécurité». La Gendarmerie nationale, depuis le lancement de son premier «plan Delphine», se spécialise peu à peu dans la sécurité routière, la sécurisation des axes sortant ou menant vers les centres urbains et la lutte contre la contrebande, domaines où elle semble avoir pris de l'avance. La lutte antiterroriste n'étant plus de ses champs d'action depuis quelques années, la GN prend la sécurité routière, la contrebande et le crime organisé comme nouveaux «angles d'attaque» et «s'y investit avec ses 100.000 hommes et son projet d'institut scientifique, vaste laboratoire des technologies de pointe qui lui permettrait de suivre l'évolution des méthodes de crime et de développer celle lui permettant d'arrêter les contrevenants. Selon le colonel Ayoub, directeur de la communication au niveau du commandement de la GN, «200 maîtres-chiens sont déjà opérationnels sur les axes routiers et leur principale mission est d'intercepter le transit de la drogue, qui, paradoxalement, connaît un flux plus important durant le mois de Ramadan». Le nombre surélevé de morts dû aux accidents de la route, qualifié de véritable «terrorisme routier», focalise les efforts de la GN qui en fait son sacerdoce. Bon an mal an, les chauffards tuent quatre fois plus que les terroristes et se placent, de fait, notamment dans Alger et les grandes villes, à la tête du «hit parade de la criminalité». Soixante-quatre personnes ont été tuées dans des accidents de la route en dix jours, et le bilan risque de s'alourdir encore d'ici à la fin du mois de Ramadan. Voilà donc, en grandes lignes, ébauchées, les nouvelles stratégies de la police et de la gendarmerie, et dont le credo reste «la proximité». Ce qui revient à dire que les failles entre elles et la population étaient immenses, et avaient permis aux premiers groupes armés de conquérir des quartiers entiers, de 1990 à 1997, et de faire adhérer à leur «guerre» la jeunesse urbaine pauvre, qui ne reconnaissait plus ses services de sécurité.