Le procès en appel de Mohamed Benchicou, directeur de la publication du Matin journal suspendu depuis le 23 juillet , se tiendra le 11 août 2004. La date a été fixée hier par la cour d'Alger. Mohamed Benchicou a été condamné le 14 juin dernier à deux ans de prison ferme et à une amende de 20 millions de dinars pour « une infraction contre le règlement du mouvement des capitaux ». Le collectif de la défense a tenté, documents et textes de lois à l'appui, de démontrer « l'infondé de l'infraction ». En vain. Le juge, après avoir écouté les plaidoiries de la défense et le réquisitoire de la partie civile, avait prononcé le verdict, accompagné de l'extrême mesure qu'est le mandat de dépôt. Le lendemain, le 15 juin, la défense a fait appel. L'étude du dossier a souffert de beaucoup de lenteur. La justice a suivi la procédure « habituelle », dit-on, avec les retards fréquents dans ce genre d'affaire, arguant que « tout le monde est égal devant la justice et pas de procédure préférentielle ». Quarante jours sont déjà passés après l'introduction du pourvoi en cassation. Le code de procédure pénale prévoit, dans le cas échéant, un délai de deux mois au maximum pour la tenue du procès en appel. La justice s'est tenue aux délais requis, en usant de « la durée complète » permise par la loi. La direction du Matin a fait le lien entre la suspension de la publication et l'arrêt de la date du procès. « L'enrôlement de l'affaire est intervenu le lendemain de la suspension du journal depuis, vendredi dernier, suite au refus d'impression par son imprimeur Simpral », a précisé la direction dans un communiqué. Stratégie de défense Me Khaled Bourayou, avocat du collectif de la défense de Mohamed Benchicou, s'est montré hier optimiste quant au « déroulement de ce procès ». « Il importe que la justice, sereine, juge cette affaire en toute objectivité, loin de la pression suscitée par ce dossier et des rancunes et esprit de vengeance », a-t-il souligné, avant d'ajouter : « La justice est appelée à saisir l'occasion de ce procès pour répondre aux attentes de droit et d'équité que mérite cette affaire pour l'innocence de Benchicou. » Le collectif de la défense a rendu visite hier à M. Benchicou à la prison d'El Harrach, constatant ainsi « l'amélioration de son état de santé par rapport à samedi dernier ». Les avocats de ce collectif se sont réunis hier après-midi dans le but d'élaborer « une stratégie de défense » et pour se bien préparer au rendez-vous du 11 août prochain. Benchicou a également reçu, dans la même journée, la visite de son épouse, venue de France, pour s'enquérir de son état de santé. La direction du Matin attend beaucoup de ce procès pour obtenir l'acquittement de son directeur. N'ayant pu encore réunir la somme exigée par la Simpral, Le Matin est toujours suspendu. Les responsables du journal essayent, contre vents et marées, de rassembler les 38 millions réclamés. Pour le rassurer de sa « pleine détermination à payer pour reparaître », la direction du journal a réuni hier son personnel. « Nous sommes en train d'entreprendre des démarches pour réunir la somme exigée. C'est une démarche longue », a précisé Ghania Hamadou, actionnaire et temporairement directrice de la rédaction. « L'entreprise a été soumise à un redressement fiscal pharaonique. Aucune entreprise ou journal ne peut faire face à de telles pressions financières sans être mis à genoux. Nous avons jusque-là réussi à tenir le coup. Mais la conjoncture est plus difficile et je ne sais pas si on va pouvoir payer la totalité ou non », a-t-elle rappelé. Pour elle, le Pouvoir veut enfermer le journal dans une spirale d'endettement. « C'est-à-dire travailler pour rembourser les dettes », a-t-elle indiqué. Le Matin a reçu hier soir un communiqué de la Société d'impression de l'Ouest (SIO), dans lequel il a été souligné que « le journal est toujours redevable de 3 millions de dinars à la société », sans préciser la nature de ces créances ni la période. « Nous arrêtons dès demain de vous imprimer par solidarité avec Simpral », est-il ajouté dans le communiqué. Selon Ghania Hamadou, le ministre de la Communication a été informé de la suspension du journal, en lui faisant rappeler ses engagements vis-à-vis du Matin le lundi 19 juillet. Boudjemaâ Haïchour avait promis à l'entreprise de faire en sorte qu'un échéancier de paiement soit établi si elle accepte de verser « une partie de la dette ».