Les insupportables images de nos deux diplomates - ligotés et les yeux bandés - diffusées par leurs ravisseurs sur Internet nous replongent dans les terribles années 1990 lorsque la terreur intégriste s'était abattue sur la population algérienne : c'était au nom de la « résistance » au Pouvoir que les terroristes du GIA et de l'AIS égorgeaient exactement comme le disent aujourd'hui les groupes armés de Zarqaoui en Irak qui, sous prétexte de s'attaquer à l'occupation américaine et au nouveau régime irakien, assassinent des civils étrangers et tuent des enfants en lançant sur eux des kamikazes. Quelle est cette « résistance » qui autorise le massacre d'innocents ? Est-ce en tuant Tahar Djaout, en faisant exploser un bus en plein centre d'Alger ou en massacrant de jeunes scouts dans un cimetière près de Mostaganem ? En quoi, en Irak, condamner à mort deux diplomates algériens, tuer des travailleurs asiatiques ou décimer des passagers de train à Londres et à Madrid peut alimenter la lutte pour la libération de ce pays ? L'occupation étrangère de l'Irak est un beau prétexte que s'offre l'organisation Al Qaîda pour mener un tout autre combat, de nature idéologique, qui est le renversement des Etats et l'instauration de théocraties de type afghan des talibans. Exactement comme cherchaient à le faire les terroristes algériens dont la seule raison d'agir fut le djihad. Autour de la notion de « résistance », l'amalgame n'arrête pas de prospérer dans le monde musulman, relayé par des discours politiques de tous bords et par des harangues sans fin de théologiens. L'Irak y est totalement immergé et peu de voix s'élèvent pour dénoncer cette grave dérive. Hier en Algérie, rares furent les religieux de notoriété qui osaient intervenir pour éclairer la population sur la nature du conflit en cours. Aujourd'hui, l'amalgame s'insinue partout, y compris dans le projet politique de « réconciliation nationale ». La frilosité de la mobilisation en faveur de nos deux diplomates en danger de mort à Baghdad n'est pas étrangère au climat général de soumission à l'intégrisme qui règne. Que la diplomatie et les services spéciaux soient en première ligne pour libérer Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi, quoi de plus normal. Mais ce qu'on retient dans les cas récents des journalistes français et italiens kidnappés, c'est la grandiose mobilisation en leur faveur de la société, tant politique que civile, venue puissamment appuyer le travail des officiels. En France, les représentants du culte musulman n'avaient pas hésité à se rendre en Irak pour sensibiliser des dignitaires religieux sur le sort des otages. Chez nous, la sphère religieuse se tait et observe...