Le tout-Timezrit est accablé. Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi ont été exécutés. A Timezrit, on avait entretenu l'espoir de les revoir vivants jusqu'au dernier instant, à tel point que la nouvelle macabre qui a défilé sur les chaînes étrangères dans l'après-midi de mercredi n'a pas suffi pour faire cesser cet espoir. La confirmation officielle de la nouvelle a fini par jeter l'émoi et nous rappeler à l'amère évidence. Avant-hier, le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, était chez les Belkadi, dans le village natal de Azzedine, à Ighil Guemmour, pour témoigner sa sympathie à la douleur de la famille et remettre au père du diplomate assassiné des lettres de condoléances du président de la République et du chef du gouvernement. Dans le regard de l'Hadj l'Hocine, la dignité supplante la douleur. « Mon fils est mort en martyr », dit-il à mi-voix à l'adresse du ministre et de la nombreuse assistance qui a empli la pièce. Dans le couloir, on s'effondre en pleurs au passage de la délégation. On réalise le vide que laisse Azzedine parmi les siens et la douleur s'accentue. Long moment de silence dans la pièce. Le ministre tente de trouver les mots qu'il faut avant de préférer garder les yeux baissés. L'épreuve des consolations est difficile envers une famille qui vient de perdre son deuxième enfant en tant que diplomate après la disparition de l'aîné, Mouloud Belkadi, suite à une maladie, dans les années 1990. Le défunt occupait le poste d'attaché diplomatique à l'ambassade d'Algérie à Washington. Ce portrait accroché au salon serait le sien. « Azzedine a dû prendre la place de son frère aîné au sein de la famille », témoignent certains proches des Belkadi.La sœur, les neveux, les cousins et autres proches du défunt sont là, ils accusent le coup. Les plus jeunes se consolent dans les bras d'un accompagnateur du ministre. « Nous sommes avec vous », tente-t-on de réconforter la mère, restée tout aussi digne que son époux. Une jeune fille surmonte sa douleur et discute à voix basse avec le représentant de l'Etat. Peut-être demande-t-elle des nouvelles du corps du défunt. Dehors, la foule a grossi. Ils sont venus de partout à la première confirmation de l'ignoble assassinat. Dans le village, le temps est à la solidarité et la mobilisation. On se propose à l'organisation et on fait preuve de disponibilité légendaire. De mémoire de villageois, jamais les Ath Yemmel n'ont connu pareil climat, pareille émotion. Midi pile, une minute de silence est observée à la mémoire des deux défunts diplomates, sous l'ombre d'un arbre sur lequel flotte l'emblème national. L'imam de la mosquée du village évoque les qualités humaines de Azzedine et se souvient de l'élève studieux qu'il a enseigné à l'école primaire d'El Had. « Il a eu une éducation conformément aux préceptes de l'Islam », témoigne-t-il. « Vous avez vu où habite un diplomate algérien, dans un village simple. C'est l'Algérie profonde. La famille du disparu donne une leçon au monde entier avec toute sa dignité et sa simplicité », a déclaré Mohamed Bedjaoui à la presse. « Je donnerai tout l'or du monde pour allonger ce moment avec vous, nous avait-il dit jeudi dernier avant son départ », témoigne Fateh, un proche éloigné et non moins ami de Azzedine. Ce sont en substance les derniers propos dits avec modestie par le diplomate de Timezrit à ses amis autour d'une table au café le Carrefour, deux jours avant son départ pour l'Irak. C'était son dernier jeudi en Algérie. Dans son entourage, on éprouve de la peine à parler de lui au passé. Azzedine est vivant dans l'esprit des Ath Yemmel. Journée de deuil Pour rendre hommage autant à Azzedine Belkadi qu'à Ali Belaroussi, le comité de suivi de la daïra de Timezrit, mis sur pied au lendemain du kidnapping et qui s'est mû en comité d'organisation et de solidarité, a appelé à une grève générale pour aujourd'hui qui sera ponctuée par une marche qui démarrera du village d'Ighil Guemmour jusqu'au siège de l'APC d'El Had. Dans son communiqué, ce comité a aussi appelé à ce que les fêtes de mariage programmées se déroulent dans la retenue par « respect à la mémoire des deux victimes ». Le même comité, qui avait adressé un appel pour diffusion à la chaîne El Jazeera pour la libération des deux otages algériens, a condamné l'exécution des deux diplomates et s'est indigné de ce qu'il considère comme « un crime contre l'humanité ».