Le mal ne date pas d'aujourd'hui. Le diagnostic a été fait par les services concernés depuis longtemps : l'informel et l'évasion fiscale sont devenus un véritable sport national. Le drame réside dans le fait que les moyens pour leur éradication ne sont pas encore au point. « Il faut prescrire encore des médicaments efficaces pour crever cet abcès dont souffre l'économie du pays », s'accordent à dire les spécialistes. La maladie s'est avérée grave et des milliards échappent annuellement, pour ne pas dire quotidiennement, aux canaux légaux. Quelle pourrait être la méthode à appliquer pour enrayer ce phénomène ayant pris des proportions alarmantes durant la dernière décennie en Algérie ? Comment peut-on contrôler ces chaînes de contribuables (importateurs, grossistes et détaillants) qui tentent, d'une manière ou d'une autre, d'échapper au fisc ? Comment « débusquer » les fraudeurs ? Les différentes directions des impôts à travers le territoire national, celle d'Alger en particulier ont reçu récemment une instruction pour mener une campagne contre tous les fraudeurs. Un programme de lutte contre ce fléau a été tracé par la direction des impôts de la région d'Alger. Entamé en grande pompe le 23 juillet dernier, période préférée pour les fraudeurs, ce programme devra durer dans le temps. Il s'étalera au-delà du 31 décembre 2005. « C'est un travail de longue haleine. C'est une mission pérenne de l'Etat qu'on doit mener à terme afin de redresser la barre et assainir l'économie du pays », nous a déclaré Djazouli Boudjelthia, directeur de la direction des impôts de Bir Mourad Raïs à Alger. Les moyens semblent avoir été mis en place pour réaliser cet objectif ambitieux. Au moins 45 brigades spéciales composées de 95 agents de contrôle des impôts sont déployées sur le terrain dans le but de ramener à la raison ces « hors-la-loi ». Les inspecteurs, conscients de la difficulté de leur mission, mènent quotidiennement leur « guerre » contre les récalcitrants. Mais aussi ils sensibilisent et informent les commerçants ignorant la législation et ceux qui font mine de l'ignorer. Des anomalies à tous les échelons Les tentatives d'évasion fiscale commencent d'en haut. Elles commencent par les importateurs et les grossistes pour arriver enfin aux détaillants. Les anomalies sont également nombreuses et à tous les échelons. Elles oscillent entre les fausses déclarations, déclarations minorées, location de registre du commerce, non-facturation des marchandises jusqu'à l'exercice en noir des activités. Nous l'avons en tout cas constaté, hier, lors d'une visite inopinée sur le terrain en compagnie des agents du fisc des inspections des impôts d'El Biar. Inspections dépendant de la direction de Bir Mourad Raïs. La tâche de ces agents, « peu rémunérés et mal protégés », n'est pas du tout une sinécure. « Nous sommes confrontés quotidiennement à des contraintes de tous genres. ça nous arrive même d'en découdre avec des contrevenants qui nous prennent pour des ennemis jurés », nous déclare un agent. Si des fraudeurs baissent rideau dès qu'ils prennent connaissance de la présence des contrôleurs dans les parages, certains refusent carrément de collaborer avec eux. D'autres gérants de magasin jouent à cache-cache avec les agents. C'est le cas d'un propriétaire d'un centre de formation en informatique en plein centre d'El Biar. « Celui-ci nous a déclaré qu'il faisait dans l'importation du matériel informatique. Après son contrôle, il s'est avéré qu'il cumule trois activités à la fois. Son local est aussi un centre de formation en informatique et un centre d'examen international. La paie de ses professeurs varie entre 60 000 et 100 000 DA », a révélé une inspectrice des impôts. En se présentant, hier à son local, les inspecteurs s'étaient étonnés à la vue d'une affiche annonçant que le centre est fermé en raison des congés. Ce n'est qu'après insistance qu'une personne a ouvert la porte pour dire que le gérant est absent. « Le propriétaire est absent. Voulez-vous que je l'appelle sur son portable ? », a-t-elle suggéré aux agents. Autre anomalie. Non loin de ce centre, les inspecteurs sont tombés sur un « détaillant » de portables. Sans carte fiscale et ayant un récépissé de registre du commerce délivré en septembre 2004, ce dernier exerce son activité depuis deux ans. « Il n'a fait aucune déclaration chez nous. Lorsqu'on est venu le contrôler, il a affirmé qu'il est détaillant et qu'il vient de commencer son activité. Mais la quantité de la marchandise se trouvant dans son magasin et l'absence de pièces justificatives le trahissent », soutient notre accompagnateur. En effet, le propriétaire n'a pas pu convaincre les agents du fisc qui l'ont acculé de questions. El Biar, un quartier résidentiel situé sur les hauteurs d'Alger, est un « paradis » pour les fraudeurs. Ici, les infractions concernent même les grands concessionnaires de véhicules et les entreprises vendant le matériel informatique. Même constat au centre commercial de Ben Aknoun. La capitale, Alger, est pleine de secteurs réputés pour la prolifération des activités informelles. Gué de Constantine, Birkhadem, Kouba... et Hamiz sont tous classés zones à forte présomption de fraude. La direction des impôts de la wilaya espère nettoyer ces lieux à la faveur de ce programme de lutte.