Dans la commune de Assi Youcef (20 000 habitants), dans la daïra de Boghni (au sud-ouest de la wilaya de Tizi Ouzou), près de 10 villages sont frappés de plein fouet par le manque d'eau potable. Un sentiment qu'exacerbe le fait de se trouver près d'un cours d'eau du Djurdjura. Pourtant, il existe une conduite d'un diamètre de quatre centimètres qui escalade le massif pour aller puiser l'eau d'une source nommée Ahenai. « Il nous faut plus d'une heure de route sur des sentiers rocailleux et sinueux pour atteindre la source d'Ahenai. Et dire qu'avec son maigre débit, l'on pense alimenter un réservoir de 50 m3 pour 3000 âmes, et cette situation dure depuis des années », nous dit Idir, un étudiant membre du comité du village. Notre guide est affirmatif : « Une seule source existe sur le territoire de cette localité : Thabbourth El Aîncer. » « Le captage, opéré en plein massif montagneux, est menacé par des chutes de pierres de plusieurs dizaines de tonnes suspendues sur les parois rocheuses du Djurdjura », nous dit-t-il, en nous montrant le réservoir en question qui dessert, à partir de cette source, trois villages depuis 1984. Thabourth El Aîncer ne produit pas que de l'eau de roche, constate-t-on. Sur le site, autrefois inondé de touristes et notamment d'Européens, situé à 800 m d'altitude au sein du Parc national du Djurdjura, nous retrouvons des adolescents qui s'acharnent sur des roches détachées des falaises environnantes et en extraient des pierres pour la construction. « Le volume d'une benne tractable (6 m3) est cédé à 1000 DA », apprend-on sur place. Au chef-lieu communal, 4 km plus bas, les signes d'un retard en développement sont plus que criards : rues insalubres, trottoirs inexistants, routes impraticables. Le plus frappant est de voir des files d'attente exclusivement féminines, attendant de remplir leurs jerricans. « Le peu d'eau provenant de la source de Thabbourth El Aîncer est exploité à travers des robinets collectifs installés dans chaque pâté de maisons », explique Idir, qui précise : « Officiellement, il n'existe pas de compteurs ni de raccordements domestiques. L'Algérienne des eaux n'est pas présente sur ce territoire. » En effet, un enseignant, membre de la coordination locale des comités de village relève que « sur le réseau se sont greffés des branchements illicites et souvent mal faits laissant planer le spectre des contaminations dues à l'assainissement défaillant ». « Nous sommes toujours sous le choc des 40 cas d'hépatite A survenus en 2004, et ayant causé la mort d'une fillette l'autonome passé, nous dit-il. Lors de sa visite dans la daïra de Boghni en janvier dernier, le wali a été instruit de tous nos problèmes. » « Lorsque nos sources atteignent leur niveau le plus faible, nous achetons des citernes de 2000 l à 600 DA depuis la localité d'Amechtras », nous précise-t-on. Selon nos interlocuteurs, un nouveau réseau a été implanté à Assi Youcef, mais non mis en service faute d'eau après l'arrêt du projet de captage de Tinzart. Bounouh est l'autre commune de la daïra de Boghni dont le sort hydrique était lié à la source de Tinzart. Nous rencontrons un membre de la coordination des comités de Bounouh. Ce cadre de la Fonction publique, très au fait des problèmes auxquels est confrontée sa communauté, nous dit : « Nous étions alimentés depuis la source de Tala Guildassène qui est aujourd'hui complètement tarie. Un captage existe à Halouane, mais le château d'eau reste désespérément vide. » Les petits forages prévus ne suffisent pas à une population dont les besoins ne cessent d'augmenter. « Nous avons l'eau chaque 10 à 12 jours pendant une heure de temps. Le reste du temps nous achetons depuis Amechtras des citernes de 2000 l pour 1000 DA », précise-t-il, ajoutant que « le réseau d'AEP datant de 1975 est vétuste et nécessite une refonte complète. Il est toujours géré par la commune ». « A Bounouh, l'assainissement existe mais il est mal conçu. Heureusement que le bureau d'hygiène communal opère des contrôles et reste vigilant », nous explique notre vis-à-vis, en rappelant l'épisode récent où des coliformes fécaux ont été retrouvés dans l'eau potable. En plus des ménages, la rareté de cette ressource affecte les commerçants et autres petits fabricants. Un boulanger se plaint d'« avoir recours à l'achat de citernes ». Dans cette commune aussi, la source de Tinzart paraît être la solution au manque d'eau. Le représentant de la coordination des comités de village révèle qu'« un torréfacteur local, pour sa part, a baissé rideau en raison de chutes de tension qui ont affecté ses équipements et son produit ». Selon notre interlocuteur, la tension atteint 180 V parfois et « à partir de 18 h, ni téléviseur, ni ventilateur, ni climatiseur, ni réfrigérateur ne fonctionnent ». « Voici le moteur de mon frigo qui est tombé en panne cet été. J'hésite même à mettre en marche le nouveau », précise-t-il en soulignant que « le réseau est resté tel quel depuis sa réalisation en 1974, alors que nos besoins ont quadruplé ». La localité de Bounouh, limitrophe avec la wilaya de Bouira, est composée de 22 grands villages. Ce qui représente 12 000 habitants (15 000 en été). Les rares routes goudronnées ont été réalisées depuis trois décennies. Aujourd'hui, elles sont simplement impraticables lorsqu'elles ne représentent pas un danger de mort pour les usagers : crevasses, nids-de-poule, dos d'âne, rétrécissements et distorsions. « Le chemin communal qui mène vers notre région depuis Boghni en continuant jusqu'à la wilaya de Bouira est un désastre. Nous réclamons son reclassement en tant que chemin de wilaya et espérons une meilleure prise en charge pour désenclaver cette région », nous dit notre source. Sur ces routes, « près de 450 lycéens payent chaque jour 50 DA pour se déplacer au lycée de Boghni où ils étudient sans demi-pension, sauf en terminale ».