Deux APC ont été dissoutes dans la wilaya de Boumerdès dans le cadre de l'accord conclu entre les archs et le gouvernement : Naciria et Chabet El Ameur. La décision n'agrée pas grand monde. Pas même les partisans des archs dialoguistes qui réclament l'élargissement de la mesure à d'autres communes telles que Timezrit, Afir, Beni Amrane... Bref « toutes les communes où les élections municipales d'octobre 2002 ne se sont pas déroulées dans de bonnes conditions ». Ou comme dira un délégué de la CADC de Boumerdès, « partout où il y a eu rejet des élections, total ou partiel ». Dans les deux communes les « indus élus » ont quitté leurs bureaux sans trop de bruit, convaincus que « la décision de révocation étant prise en haut lieu, il ne sert à rien de s'agiter ». C'est ainsi qu'ont eu lieu les passations de consignes, dans les deux APC, à la fin du mois de juillet dernier. Mais à Chabet El Ameur comme à Naciria, deux remparts de la Kabylie frondeuse, où les élections étaient dans la dynamique de rejet adoptée par la région : grèves, manifestations, émeutes et affrontements avec les forces de « maintien de l'ordre » - ou de « rétablissement de l'ordre » ? - les citoyens préfèrent parler de leur rude quotidien que de commenter une décision politique. « Le chômage mine la société, l'islamisme guette les cas désespérés pour en faire des faucheurs de vie. Le pouvoir d'achat ne cesse de dégringoler ; problèmes de logement, d'eau, de transport ; manque d'infrastructures (...) Voilà de quoi est faite la vie dans notre commune », nous a déclaré un citoyen de Chabet El Ameur. « Les routes sont dégradées et le réseau d'alimentation en eau potable ne sert pratiquement à rien. En ville, ces derniers temps, nous avons de l'eau une fois les 20 ou 25 jours et dire que ça va mieux par rapport aux années précédentes. Le village agricole n'est pas alimenté depuis 1992. Sans parler du Regroupement nord et d'autres villages comme Beni Brahim, Beni Antas... », nous ont expliqué des citoyens que nous avons rencontrés au siège de l'APC. Le même jour, une délégation est venue se plaindre auprès du secrétaire général de l'APC qui gère désormais « les affaires courantes » de la collectivité. Elle vient d'Ouled Ben Tafat pour parler des problèmes d'eau, de routes, d'écoles, de transport, d'un stade...« L'état de la route reliant directement notre village au chef-lieu de la commune nous oblige à faire un détour de 22 km, en passant par Isser. Ce qui est simplement aberrant », a dit Omar. Revenant à la dissolution de l'APC, la majorité des citoyens que nous avons interrogés pense qu'« elle n'intervient pas au bon moment ». « A quoi sert-il de dissoudre une assemblée à quelques mois seulement de l'expiration de son mandat ? Et que pourra faire une autre assemblée en une année, puisque d'autres élections seront organisées à la fin 2006 ? Elle aura à peine le temps d'adresser quelques correspondances au wali », a commenté un militant politique local qui, reconnaissant l'illégitimité de l'ex-APC, s'oppose tout de même à « cette manière de renvoyer des citoyens qu'hier seulement on avait envoyés au charbon ». A Chabet El Ameur, beaucoup de citoyens disent regretter l'équipe qui vient d'être révoquée. « Le P/APC a eu à gérer un dossier très sensible, celui de l'après-séisme, qui lui a pris beaucoup de temps et, malgré cela, il a fait des efforts pour améliorer l'état des lieux à Chabet El Ameur », nous a lancé un citoyen au milieu d'un groupe sans être contredit. Et d'ajouter : « Nous espérons que celui qui viendra sera meilleur parce que nous craignons le recul. » Pour les militants du FFS, qui ont fait les frais de la dissolution de cette APC, « il s'agit, ni plus ni moins, d'un coup de force ». Mais à Naciria, le parti d'Aït Ahmed avait déjà retiré la couverture politique aux membres de l'exécutif communal élus sur ses listes. Là, fait paradoxal, la révocation réjouit de nombreux militants du FFS. Commentant le refus du secrétaire général de l'APC de Naciria de nous recevoir sous prétexte qu'il a reçu « des recommandations de ne rien déclarer à la presse », un citoyen dira : « C'est un avant-goût de ce que sera fait demain. Une gestion dans le noir, loin de tout regard de l'extérieur et refusant toute critique. Voilà où nous ont conduits des individus qui ont récupéré une révolte pour la faire avorter. »