L'association Métamorphoses a édité récemment un livre-disque intitulé Déliés. Une descendance algérienne. Ouvrage collectif signé Laurence Huet, concernant les textes, Hachemi Mokrane (calligraphie), Yves Jeanmougin et Mariela Damian pour respectivement les photos et les enregistrements de témoignages de descendants ou de sympathisants de la sainte Imma B'nête ou mère Binette, objet de ce livre. Elle en fait même un documentaire radiophonique d'une heure et demi diffusé sur France culture le 12 avril dernier avec une partition musicale de Titus Oppmann. Le CD de cette émission radiodiffusée est intégré dans l'ouvrage préféré par l'écrivain Maïssa Bey. Rencontré en la circonstance, Hachemi Mokrane relate que l'idée de réaliser ce projet date de juin 2002, lors de sa rencontre avec Laurence Huet à Toulon. Cette dernière est intéressée par l'histoire de cette sainte « au tant que moi natif de Beni Houa où a vécu mère Binette. Outre les archives consultées par Laurence Huet, l'histoire est reconstituée à base de témoignages recueillis auprès des habitants locaux. Des informations transmises oralement de génération en gérnération. Les évènements datent de plus de deux siècles. Nous avons sollicité aussi des historiens et chercheurs. Ce travail a été entamé en décembre 2003. L'entreprise a duré trois semaines. Soit deux semaines passées à Beni Haoua et une à Alger ». Le même interlocuteur relève que les co-auteurs n'ont pas cette prétention de se proclamer comme chercheurs ou historiens. « Nous avons relaté l'histoire de mère Binette, car nous la trouvons belle et fascinante », indique-t-il. Tout commence en cette année 1801, quand Bonaparte lance la campagne de Saint Domingue pour y rétablir de l'ordre. L'escadre du contre-amiral Gauteaume démarre depuis les ports de Brest, de Rochefort et de Toulon. Elle comprend neuf navires, dont Le Banel où prend place mère Binette, d'origine hollandaise et d'autes religieuses. Il part de Toulon. Il s'agit d'un vaisseau vénissien provenant du butin des premières campagnes de Bonaparte en Italie réparé à Toulon en 1797. Il tient son nom du général Banel tué lors de l'attaque du château piémontais de Cossaria le 13 avril 1796. Commandé par le capitaine Joseph Flièrèse Callamand, Le Banel prend route le 9 janvier 1802, il n'arrivera jamais à destination et échoue le 15 janvier de la même année à Beni Haoua, entre Cherchel et Ténès. Le vaisseau compte, selon des sources archivistiques, 200 marins, 529 mlitaires et 9 femmes. Des témoignages transmis de génération en génération font état de 6 femmes, d'autres de 4 ou 5. A chaque source ses vérités. Ces femmes, qui comptent parmis les rescapés du naufrage, ont été épousées par des notables locaux. Ainsi, mère Binette est mariée au caïd Mokrane. Elle devient maraboute et gagne la sympathie des habitants locaux de par ses bienfaits. Des habitants qui la vénèrent jusqu'à en faire une sainte. Un mausolée couvre sa tombe à Beni Haoua, visité à ce jour par les riverains. Des jeunes filles font le tour du mausolée avant leur mariage pour avoir des enfants. Dans cette quête du passé, légende, histoire, puzzle se confondent pour traduire une mémoire qui s'effiloche de par les vicissitudes du temps. On ne connaît pas le vrai nom de mère Binette ni la date de sa mort. Ce qui reste, en plus d'une mémoire qui résiste encore aux avatars du temps, c'est son mausolée édifié sur un des rivages de Beni Haoua, à quelques pas où a eu lieu le naufrage.