Le séminaire régional sur l'égalité des gens dans le journalisme, organisé à l'initiative de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) à Rabat les 23 et 24 août 2005, en collaboration avec la Commission européenne (CE), a été très instructif pour la trentaine de journalistes femmes tunisiennes, algériennes et marocaines qui y ont participé. Il s'agissait pour ces dames d'établir le bilan de quatre années de travail dans leur pays respectif. Elles l'ont fait dans le cadre du programme Média pour la démocratie - Méditerranée du Sud. Une rencontre similaire sous le thème « Promotion de la condition des femmes journalistes » s'était tenue en mai 2005 à Chypre. Les participantes de plusieurs pays européens y avaient débattu de la représentation des femmes dans les médias et dans les postes décisionnels. Selon Paméla Morilière, une juriste représentante de la FIJ, un sondage effectué en 2004 fait ressortir que 65% des femmes journalistes au Maghreb travaillent dans des quotidiens et que 69% sont contractuelles. Interrogées, 67% des femmes journalistes du Maghreb considèrent qu'il y a une égalité de traitement entre hommes et femmes journalistes. Le même sondage précise que la majorité des journalistes femmes sont célibataires, qu'elles ne sont que 21% à bénéficier de postes de responsabilité et que la plupart sont confrontées à des problèmes d'accès aux sources d'information. La question du harcèlement sexuel tant dans l'environnement professionnel que dans la recherche de l'information, la discrimination salariale et le confinement à la rubrique culturelle ou de société de la journaliste femme marocaine a été abordée. Elle est à l'origine de l'intervention de Mme Martine, membre de la FIJ, qui a affirmé : « Je m'étonne que la journaliste algérienne ne soit pas confrontée à ce type de problèmes. Qu'elle puisse prendre toute initiative dans l'exercice de sa mission d'informer, de traiter tous les sujets et questions, de ne pas connaître une quelconque discrimination salariale comparativement au journaliste homme. » M'djahed Younous, secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine, a estimé que le nombre de femmes dans les médias marocains est très faible. Rares sont celles qui arrivent à occuper un poste de responsabilité au sein des médias. Différentes raisons, dont le manque de confiance en la compétence de la femme, concourent à cette situation. Selon lui, au Maroc, 22,4% des journalistes femmes travaillent dans la radio, 17,6% dans la télévision nationale, 5,9% dans la deuxième chaîne télé, 15,3% à Maroc Agence Presse (MAP) et 34,1% dans la presse écrite. Intimidations et poursuites judiciaires Selon Larbi Chouikha, professeur à l'institut de presse et des sciences de l'information (IPSI) à Tunis, le nombre des femmes tunisiennes dans les médias ne cesse de croître. Il y a une féminisation progressive de la profession amorcée depuis une dizaine d'années sachant que l'âge moyen de la journaliste femme en Tunisie est de 38 ans. Autant que leurs consœurs marocaines, les Tunisiennes n'ont pas une liberté d'initiative au même titre d'ailleurs que leurs confrères. Tous sont confrontés à des mesures d'intimidation, telles que de continuelles poursuites judiciaires pour diffamation. Pour M. Chouikha, le verrouillage étanche appliqué au secteur de la presse en Tunisie, le harcèlement politique et le contrôle très sévère exercé par le pouvoir pour tout recrutement de journaliste, particulièrement à la Tunis Agence Presse (TAP), sont à l'origine du manque d'intéressement des femmes à la pratique journalistique. Les journalistes tunisiennes participantes au séminaire de Rabat ont précisé que, contrairement à l'économie, la presse n'est pas libre dans leur pays où elle est totalement étatisée malgré quelques apparences. Marocaines et Tunisiennes ont estimé que, dans leur pays respectif, il y a un cloisonnement des plumes féminines dans des thématiques ghetto. 60% des femmes journalistes tunisiennes interrogées affirment n'avoir jamais eu une promotion malgré leur compétence et leur nombre d'années d'activité. Toujours selon M. Chouikha, en 2001, à l'IPSI, 73% des étudiants étaient des femmes. Alors qu'au Maroc, jusqu'à fin 2004, elles étaient 390 à avoir embrassé la carrière de journaliste contre 980 confrères. « La situation n'est pas la même chez nous, mais nous ne sommes pas à l'abri d'un retournement. Aussi sommes-nous appelés à fournir d'autres efforts pour préserver des acquis et en arracher d'autres. La presse algérienne est un secteur qui se féminise de plus en plus. Le nombre de journalistes femmes qui exercent est en nette augmentation depuis l'ouverture du champ médiatique au début des années 1990. L'on peut sans grand risque d'erreur affirmer une occupation professionnelle égalitaire. Dans certaines rédactions, l'élément féminin est plus prépondérant que le masculin », ont précisé les représentants algériens Nadir Bensebaa (FIJ/Maghreb) et Ilhem Tir du SNJ parlant des journalismes femmes algériennes. En représentant des représentants de la FIJ et du syndicat de leur pays respectif, les journalistes femmes maghrébines ont adopté une déclaration portant une série d'actions destinées à la promotion des conditions des femmes journalistes dans le Maghreb.