Le spectacle a drainé un nombreux public. Il a débuté avec le ballet de l'ONCI qui a présenté une chorégraphie de Kinda Sahra. Un mélange de danses et de musiques occidentales, orientales et algériennes. Dans leurs costumes sobres, les éléments de la troupe ont exécuté dans une harmonie appréciable des exercices de contorsions et de pirouettes qui ont subjugué le public. Suit Fella Ababsa qui a interprété plusieurs genres, entre autres l'oriental libanais, le chaâbi, le chaoui et le raï. Une prestation qui a mis l'assistance en branle au point où les agents de sécurité ont été contraints d'intervenir à plusieurs reprises pour empêcher des spectateurs d'envahir la scène. On assiste alors à un spectacle dans un spectacle : des petites filles qui se succèdent sur la scène pour offrir des fleurs à la chanteuse tout en prenant avec elle des photos. Ainsi, la soirée se transforme en partie en séances photo. Fella Ababsa n'a pas manqué de discourir sur « la réconciliation nationale », face à une marée humaine qui ne fait que danser en conséquence. Ce qui est à déplorer à la fin du spectacle, c'est ce groupuscule d'adolescents qui s'est permis, à la sortie du Casif, des altercations avec des pères de famille devant leurs femme et enfants. Que dire de ces soirées musicales d'été du Casif ? Au regard des spectacles auxquels nous avons assisté, est-il permis de déduire que la chanson algérienne vit le printemps de sa décadence. Il n'y a pas de création. Beaucoup de personnes versent dans des reprises, des parodies qui font qu'ils se produisent pour devenir « chanteurs », une vocation devenue aujourd'hui objet d'usurpation. A les voir, n'importe qui peut se prétendre artiste. Ils interprètent des chansons rythmées et médiocrement sentimentales pour faire danser le public. Celui-ci ne demande pas mieux. Ainsi, de par ces fonctionnaires circonstanciels des spectacles, la chanson est couvée de par un statut alimentaire et se consomme, et fabrique comme des sandwiches. Autre point à relever, la plupart des spectacles se sont déroulés devant des gradins presque vides. Les genres qui attirent le public sont l'oriental et le raï. Côté oriental, les chanteurs libanais Diana Haddad, Fadhel Chaker et le Tunisien Saber Roubari ont fait le plein. Quant aux autres genres, comme le chaâbi, le malouf et le rap, leur public est très réduit. La chanson kabyle en parallèle continue à être marginalisée et folklorisée. Les chanteurs invités à l'occasion se comptent sur les doigts de la main et la plupart cultivent cette image dégradante de la chanson kabyle qui fait qu'elle est légère et utile uniquement pour le divertissement. C'est ce qui est constaté dans les prestations de Massi et de Mohamed Allaoua. De son côté, le public dans sa majorité cherche à se divertir. Dans cette logique, Haouari Dauphin et Cheb Hassan, à titre d'exemple, sont appréciés et remplissent le théâtre. En parallèle, des chanteurs de vocation comme Abdelkader Chercham, Dib Layachi et le groupe D'zaïr se sont produits devant des gradins vides. Aussi, il est enregistré durant ces soirées deux défections au moins. Il s'agit en premier lieu du chanteur kabyle Akli D. Maîtrisant nombreux genres de musique, il n'a pas chanté faute de public. Son spectacle est reporté pour la journée suivante, mais il a refusé de se produire, selon une source proche de l'ONCI. Suit Cheikh El Ghafour, son concert n'a pas eu lieu. Selon la même source, « Le vol Tlemcen-Alger que devait prendre Cheikh El Ghafour a été annulé », tout comme son concert. Cela dit, on se demande sous quels critères les responsables concernés se basent pour sélectionner les chanteurs afin d'animer ce genre de soirées. Certes, la joie et le divertissement font partie de la vie, mais est-il permis de divertir les gens tout en cultivant une « médiocratie tentaculaire » ?