Véritable indicateur économique des tendances qui animent et selon lequel fluctue l'activité agro-pastorale de la région, les marchés à bestiaux de la wilaya d'El Bayadh ne sont plus, depuis quelque temps déjà, ces enceintes où éleveurs et maquignons, le port allègre et la mine réjouie, s'adonnaient à un exercice de haute voltige dans la pratique des prix. Ils exhibaient fièrement, devant de possibles acquéreurs et des habitués ahuris, un produit aussi gras qu'imposant dont la valeur promettait de côtoyer indéfiniment des pics inaccessibles. Depuis, face à l'inexorable persistance de la sécheresse et son corollaire, la réduction drastique des aires de pacquage et l'assèchement des parcours, les producteurs animaliers durent, pour les plus prévoyants d'entre eux, envisager d'entamer leur réserve d'aliments de bétail, acquis au prix fort et qui ne constituait pas, au fait, une valeur nutritive compensatoire évidente. Et l'espoir d'une embellie providentielle s'amenuisant à mesure que les saisons s'égrènent, les petits et moyens éleveurs ont dû se résoudre à ce qui s'apparentait, chez eux, à un sacrifice : brader une partie de leurs troupeaux pour nourrir le reste, dans l'attente de jours plus cléments. Ainsi, les plus modestes ont fini par abandonner cette pratique ancestrale pour rejoindre, la mort dans l'âme, la périphérie des centres urbains, quémandant un emploi ou mettant une expérience acquise au prix de privations insoutenables au service d'intermédiaires qui se sont versés dans l'engraissement au fin de spéculation. Moyens de transport inabordables Tout un réseau pratiquant le commerce de l'aliment du bétail, en marge des circuits officiels, s'est entre-temps constitué et a étendu les mailles de son filet à travers la steppe, se nourrissant du désarroi de ceux pour lesquels l'élevage est une vocation. Le regroupement initié par le ministre de l'agriculture, en juin dernier, dans la wilaya de Djelfa, avec la participation des instances en charge du secteur à travers les wilayas steppiques, sous tendait la définition de mesures d'urgence et d'autres, incitatives. Ceci afin d'atténuer les difficultés auxquelles faisait face la corporation des éleveurs. Il fallait aboutir à la décision d'assurer un approvisionnement conséquent en aliment de bétail subventionné, au plus près des régions touchées par la sécheresse, ainsi qu'une plus grande accessibilité des zones mises en défense par le HCDS. Mesures qui n'ont apporté aucune amélioration tangible à la situation, selon le responsable de la chambre de l'agriculture que nous avons approché. Et pour cause, l'aire de stockage, choisie à Bougtob (100 km au nord du chef-lieu) reste relativement éloignée et les moyens de transport, inabordables. Quant au prix de cession, 1 400 DA le quintal, jugé prohibitif, et le ratio de 200 gr par jour et par bête, n'apporte pas la solution idoine à la crise : cette dernière quantité n'étant envisageable que si elle constitue, par ailleurs, un apport à une alimentation assez suffisante. Les 18 921 éleveurs recensés à ce jour, au niveau de la wilaya d'El Bayadh, dont seulement 6 097 n'ont pas encore retiré les cartes qui leur reconnaissent cette qualité sont toujours, selon cette même source, en attente de mesures autrement plus appropriées qui pourront leur donner les raisons d'espérer sauver ce qui reste de ce qui a été, jusqu'ici, le premier secteur économique qui occupe les 80% de la population active.