A partir d'aujourd'hui, le gouvernement doit donner un intérêt particulier aux régions du Grand Sud pour faire définitivement taire les voix des perturbateurs qui ont une volonté cachée implantée par ceux qui ont gouverné ce pays 132 ans et qui ont laissé quelques corbeaux et des grenouilles croassant », a déclaré le Président Bouteflika, hier à partir de Ouargla, devant des délégations venues des wilayas de Tamanrasset, Biskra, El Oued et Illizi. « Nous refusons les politiques chaotiques qui permettent à des gens du Nord de venir pour occuper les postes de travail des gens du Sud », a-t-il ajouté. « Je dois être franc : des 4500 employés que nous avons pris de Ouargla pour Hassi Messaoud, 500 ont refusé de travailler pour un salaire de 18 000 DA. La liste est dans ma poche. Cela veut dire qu'ils ont d'autres rentrées d'argent », a lancé le chef de l'Etat. Fin février 2004, en pleine visite présidentielle, Ouargla a connu des émeutes de l'emploi, suivies d'une vaste opération de rafle et de condamnations judiciaires. Bouteflika considère que les jeunes coléreux sont manipulés par l'ancienne puissance coloniale. Autant que tous les citoyens en colère en Algérie depuis l'indépendance. Le chef du gouvernement n'a-t-il pas accusé les Bécharis en colère en juillet dernier de « citoyens manipulés par l'étranger » en faisant allusion au Maroc voisin ? Nous avons rencontré, la veille du meeting de Bouteflika, Madani, président de l'association culturelle Amel (espoir) de Ouargla, enseignant de son état. Il a été emprisonné pendant six mois suite aux émeutes de février 2004. Chefs d'inculpation ? Constitution d'un groupe de malfaiteurs et distribution de tracts menaçant les intérêts de la nation. Motif détaillé ? Avoir apposé le cachet de son association avec une dizaine d'autres sur le communiqué appelant la population de Ouargla à cesser de payer les factures de Sonelgaz jusqu'à nouvel ordre. Factures jugées exorbitantes dans des régions où la chaleur impose l'emploi du climatiseur. Le communiqué n'a pas été rendu public et a été intercepté par les gendarmes alors qu'il devait être adressé au ministère de l'Energie et à Sonelgaz. « Beaucoup ne comptent plus reprendre la contestation. Ils ont peur... », atteste un journaliste local. Même le mouvement des enfants du Sud, frappé par une série d'arrestations dans plusieurs villes du Sud en 2004, semble avoir été dévitalisé. Dans son discours, Bouteflika a déclaré que « chaque région du pays devra prendre sa part de la richesse nationale », avant d'ajouter : « Chaque région selon ses besoins. » « Est-il possible que le fonds consacré au développement du Sud soit plein d'argent et que les projets n'existent pas ? C'est une stérilité inacceptable, qu'elle soit de vous ou de nous », a lancé le chef de l'Etat qui s'est dit « peiné » par le nombre peu important de projets à inaugurer dans sa tournée d'hier à Ouargla. « Où est le plan quinquennal qui est passé ? S'il est passé, il ne faut pas rater le plan courant » a-t-il averti. Le chef de l'Etat n'a-t-il pas les moyens de contrôler ses propres programmes économiques ? « L'Etat ne viendra pas nettoyer devant vos portes, ne décorera pas vos rues. Il faut que vous soyez ses yeux et ses oreilles en ce qui concerne la sécurité, la drogue, le marché noir... Chacun de vous est un policier, un militant, un citoyen ! », a lancé le chef de l'Etat qui a commencé hier sa visite à Ouargla par une virée à la zaouïa Kadiriya, fondée en 1855. « Nous n'avons aucune orientation politique », a assuré l'un des responsables de la confrérie qui étend son influence sur une grande partie de l'Afrique du Nord. Abdelaziz Bouteflika a regagné hier soir Alger et devra animer un meeting à Oran, jeudi 8 septembre.