Durant la période estivale, les tribunaux pénal, correctionnel et administratif n'ont pas arrêté d'activer, même si l'acte de rendre la justice au prétoire est limité aux flagrants délits. Depuis le début de la période estivale 2004, des dizaines de dossiers traitant ce genre d'affaires ont été introduits pour un enrôlement dès la reprise au mois de septembre. L'on est loin de ce nombre impressionnant d'affaires à juger la veille de l'été, de cette impression que les magistrats rendaient leurs arrêts comme des robots et que les avocats cherchaient à liquider des affaires pendantes depuis des mois, voire des années. De début juillet et jusqu'à la fin de la première quinzaine d'août 2004, cette activité a redoublé d'intensité. Il ne s'est pas passé un seul jour sans que policiers et gendarmes n'aient eu à présenter devant les magistrats des auteurs d'agressions, vols, trafics de stupéfiants ou de prostitution. En l'espace d'une quinzaine de jours, plus de 800 délinquants ont été interpellés pour divers délits. Plusieurs avaient été surpris en flagrant délit. A eux seuls, les services de la Sûreté de wilaya avancent 398 affaires. Présentés devant le procureur, ces délinquants paraissaient ne pas comprendre ce qui leur arrivait. Assis sur le banc de la salle d'attente bien encadrés par des policiers ou des gendarmes, la plupart d'entre eux lançaient des regards furtifs comme s'ils cherchaient à se disculper vis-à-vis des citoyens de passage. Pour plusieurs, la décision du mandat de dépôt prise à leur encontre semblait être une délivrance. Cette première quinzaine du mois d'août, dans les couloirs du tribunal de Annaba, les avocats ne sont pas restés inactifs. Accompagnant leurs clients et dans l'attente d'être entendus, ils consultent leurs dossiers, prennent des notes et lancent des regards et des gestes apaisants vers leurs mandants. La porte du bureau du procureur et du magistrat instructeur s'ouvrait et se fermait incessamment, avec le grincement de ses gonds non huilés. Elle laissait pénétrer chaque fois la chaleur, les bruits et l'agitation du dehors. Le délinquant qui venait d'entrer était âgé d'à peine 19 ans. Sous la menace d'une arme blanche, il avait volé une chaînette à une jeune fille. Arrêté par des citoyens pour ce larcin de quelque 3000 DA, il est allé achever l'été derrière les barreaux en attendant son jugement fixé au mois d'octobre 2004. Dans le hall du tribunal, sa maman, le visage pâle, ne savait quel comportement adopter et quoi dire pour défendre sa progéniture. Informée de la mise sous mandat de dépôt de son rejeton, elle fondit en larmes accusant l'Etat d'être à l'origine du dévoiement de son fils qui n'avait pu trouver un poste de travail. Cinq minutes après, c'est un autre jeune de 22 ans qui pénètre dans le même bureau. Il était entré par effraction dans un appartement qu'il avait vidé de son contenu. Plusieurs autres le suivront, comme s'il s'agissait de passer sous le rouleau de la justice. Face à cette charge de travail jamais atteinte en pareille période depuis l'avènement de l'indépendance, cette justice se transforme en un compresseur qui s'emballe. Au suivant ! C'est le tour d'un autre jeune accusé d'outrage à fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions. Ses yeux, les tics, qu'il laisse, apparaître malgré lui indiquaient qu'il s'agissait d'un toxicomane. Mais personne, même pas l'avocat qui l'accompagnait, n'avait pensé à se renseigner sur la nature du médicament - « Subutex » - qu'il consommait. Présente dans le couloir de la salle d'attente, sa mère ne cessait de montrer l'ordonnance médicale attestant que son fils est un malade mental. Ni cette maman éplorée, ni le magistrat et encore moins l'avocat ne savaient que le Subutex est un substitutif que prennent les toxicomanes dépendant de la morphine. A l'évidence, le délinquant était dans un état de manque au moment des faits qui lui étaient reprochés. Dans ce tribunal, l'on voit ainsi défiler sans grand soutien des délinquants, des repris de justice, de petits dealers, des voleurs à l'étalage, à la tire, à la sauvette, des auteurs de coups et blessures volontaires... Certaines victimes et des témoins attendent également dans cette salle d'attente où respirer équivaut à suffoquer tant la chaleur était insoutenable.