Intitulée « Du pagne teint au boubou imprimé », cette exposition raconte l'épopée de l'industrie alsacienne et l'histoire de l'Afrique occidentale, et ce, racontées par des textiles imagés de 1950 à 2000. Cette remarquable exposition propose une image de l'Afrique racontée par les étoffes européennes imprimées du XVIIIe au XXe siècles et conduit de l'aventure industrielle alsacienne en Afrique occidentale à une histoire de l'Afrique du XXe siècle. L'image de l'Afrique se donne à lire dans les toiles européennes depuis les années 1770. Les toiles en question reflètent la vie des Africains et sont au XVIIIe siècle des valeurs sûres pour le commerce triangulaire reliant la France au golfe de Guinée et aux Amériques. À la fin du XVIIIe siècle, le laquais noir et l'esclave vivent dans l'entourage des aristocrates ; sur les toiles, Paul et Virginie ou Robinson Crusoë vivent auprès d'esclaves noirs. Cependant, la conscience se réveille, les mouvements abolitionnistes se manifestent d'abord en Angleterre, puis en France où philosophes, croyants et hommes politiques réagissent. L'esclavage est aboli en 1794, puis de façon définitive en 1848 : à partir des mouchoirs imprimés, véritables miroirs des époques passées, on peut suivre la représentation des Noirs dans la politique française. L'histoire s'estompe ensuite au profit des arts. Les années 1920 proposent de beaux imprimés qui témoignent de la popularité de l'art nègre et du jazz américain. La période contemporaine n'innove guère. On note cependant une très belle série de carrés Hermès qui illustre les aspects plastiques de la vie africaine. Les industriels alsaciens, qui ont travaillé pendant près de 50 ans avec l'Afrique après la Seconde Guerre mondiale, n'ont pas été les premiers sur le marché africain : avant eux, les industriels hollandais et anglais y vendaient déjà les célèbres « wax ». La production de deux entreprises mulhousiennes est présente dans l'exposition : celle de l'usine de Pfastatt (Texunion à partir de 1963) qui a imprimé pour les sociétés Wallach, Taco et Euratex des pagnes à destination de l'Afrique occidentale entre 1935 et 1982, et celle du groupe Schaeffer. Sa filiale Schaeffer Engineering a implanté 29 usines sur le continent africain et en a assuré le suivi technique de même que la formation du personnel local. Copiés à moindre frais grâce à la chimie et à la gravure, les décors des pagnes imitent les étoffes traditionnelles, les batiks indonésiens ou les réserves ligaturées ou cousues, sur coton ou sur tressage de paille. Ils contrefont des étoffes brochées, des dentelles ou des broderies, reproduisent les pelages des fauves, les empreintes ou les peaux de serpent... D'autres décors portent un message fort, reprenant une tradition lancée par les mouchoirs du XVIIIe siècle : le textile n'est pas neutre, il devient un média puissant et efficace.