A-t-on idée de préférer le travail intellectuel au farniente d'un mois d'août après une année scolaire bien pleine ? Cette douce folie s'est emparée d'une cinquantaine d'enseignants de français regroupés à Draria (Alger) pour une université d'été. Ils ont sacrifié leurs vacances pour se former. Venus des quatre coins du pays, ils sont venus à Alger plonger leurs neurones dans un bain studieux au prix d'une participation financière personnelle (transport, photocopies). Il fallait le faire ! Le majestueux lycée sportif de Draria les a accueillis dans d'excellentes conditions : amphithéâtre, salle Internet, piscine, cafétéria et convivialité. Autant d'éléments qui ont motivé les stagiaires à redoubler d'efforts et ne pas regretter leur sacrifice. Placée sous l'égide de l'UFC, cette opération de formation a ciblé les besoins urgents clairement exprimés par les enseignants à travers leur association de wilaya. Eh oui ! La nouveauté est là : pas moins de trente associations de wilaya à vocation strictement pédagogique et regroupant les enseignants de français ont vu le jour en Algérie ces trois dernières années. Une première ! Pendant une douzaine de jours, des instituteurs, des professeurs de collège et des professeurs de lycée ont planché sur les programmes officiels et les nouveaux manuels de français. Encadrés par Abdelkader Abboub, un PES retraité de la wilaya d'Oran et Mme N. Fairouz (PES), les heureux stagiaires ont bonifié leur compréhension de ce nouveau concept de projet pédagogique introduit en Algérie ces deux dernières années. Une innovation qui chamboule la pédagogie de l'enseignement du français langue étrangère, mais qui nécessite une bonne maîtrise de ses tenants et aboutissants. Sous la houlette de M. Abboub et grâce à l'intervention des encadreurs chevronnés, bien des zones d'ombre et des points d'interrogation ont été levés. Aux dires des concernés et suite à l'évaluation finale, l'objectif de départ a été réalisé. Des outils opérationnels confectionnés en groupe sont venus enrichir l'expérience et la besace des enseignants. Aux efforts déployés les matinées en travaux de groupe (par cycle) et par séances de régulation, les après-midi sont venus s'ajouter des conférences ciblées à dessein. Le théâtre à l'école présentée par l'universitaire Ahmed Hamoumi, venu spécialement d'Oran, a été un plaidoyer pour l'introduction de ce moyen d'expression dans les écoles algériennes. Ancien instituteur et excellent bilingue, le conférencier a énuméré les bienfaits que cette activité pourrait avoir sur nos élèves. Quant à Ahmed Tessa, c'est en tant que pédagogue-praticien qu'il a présenté sa communication intitulée « Les traces de Freinet (1896-1966) dans le projet pédagogique ». Immense éducateur, le célèbre pédagogue français - instituteur de vocation - est le précurseur des méthodes actives qui placent l'élève au centre de l'acte pédagogique. Son œuvre et ses idées sont de nos jours consacrées officiellement par la pédagogie universelle. Le texte libre, le tâtonnement expérimental (droit de l'élève à l'erreur), le journal scolaire et la correspondance interscolaire ont investi les régimes pédagogiques du monde entier depuis les années 1970. De son coté, Jean François Laurent, spécialiste en sciences de l'éducation et ancien directeur d'école primaire, a apporté tout le poids de son expérience et de son expertise. Envoyé par le Cepec de Lyon - partenaire de l'UFC -, cet expert a assisté les enseignants dans leurs travaux de groupe. Il a en outre animé les séances de régulation. Ses communications sur l'évaluation scolaire et l'autoévaluation de l'élève ont ébranlé les idées reçues des vieilles recettes de la pédagogie traditionnelle. Sa personnalité faite de simplicité et d'humilité a largement contribué à faciliter la communication. Il a préféré l'hébergement sur site à une prise en charge programmée dans un hôtel luxueux de la capitale. Loin du pédantisme et de la suffisance, il a su expliquer les soubassements théoriques de la « pédagogie de projet ». Après deux semaines de travail entrecoupées d'une excursion à Tipaza - sur les traces d'Albert Camus - et de deux cérémonies conviviales, les enseignants se sont séparés dans la tristesse. Il est indéniable que la vie de groupe autour d'un objectif commun cimente les relations humaines. En fin de parcours, c'est à une belle moisson qu'ils ont été invités. Dans leurs bagages du retour, des fiches pédagogiques et des canevas de travail et dans leurs têtes les belles images de moments d'amitié partagés. A coup sûr, les heureux participants à cette université d'été entameront leur année scolaire 2005/2006 sous de bons auspices. Cette session de formation leur aura donné des ailes pour voler au secours de leurs élèves. Un bel exemple de militantisme pédagogique : telle est la leçon à tirer de l'engagement de ces associations de wilaya des enseignants de français. A ce titre, leurs adhérents peuvent être considérés comme étant les pionniers (en Algérie ) d'une nouvelle pratique, en vogue sous d'autres cieux : la formation continue « par et pour l'enseignant ». Il appartient - à qui de droit - de méditer cette belle leçon de solidarité et... d'espoir.