Le Syndicat national des journalistes algériens (SNJ) et la Fondation Konrad Adenauer ont organisé, hier et aujourd'hui à Sidi Fredj à l'ouest d'Alger, un séminaire intitulé « Les médias et la société de l'information au Maghreb, de l'intégration aux défis de la régulation ». A l'entame, Belkacem Ahcène-Djaballah, professeur associé à l'Institut des sciences de l'information et de la communication d'Alger (ISIC), ancien DG de l'APS et membre du défunt Conseil supérieur de l'information (CSI) dissous en 1993 par le gouvernement Belaïd Abdesslem, pose la problématique de la régulation du secteur. « Les obligations de service public doivent être gérées par une autorité indépendante », dit-il rappelant l'expérience du CSI dont la dissolution exprimait une volonté « de reprendre en main le pouvoir d'informer ». Ahcène-Djaballah espère que l'éventuelle nouvelle loi de l'information - ou ses amendements - revisitera le principe de ce conseil en lui créant des passerelles vers les préoccupations socioprofessionnelles et prendra en charge le dossier de l'aide de l'Etat à la presse dans un cadre paritaire. « Lier également l'octroi de la carte de presse aux obligations de déontologie et d'éthique », ajoute-t-il. « Si nous n'agissons pas nous-mêmes, c'est l'Etat qui va intervenir », prévient de son côté Bachir Znaghi du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM). La démonopolisation du secteur de l'audiovisuel au Maroc a tout de suite été suivie de la création d'une autorité de régulation dont les membres, précise M. Znaghi, sont désignés par le roi. En Mauritanie, explique Mohamed Ould Sadek, directeur du quotidien Le Méhariste, l'Etat n'a repris que « les mauvais côtés » de la loi française sur la presse de 1881 en opérant une synthèse « d'exclusivité » des pouvoirs de régulation. « Chaque matin, nous devons envoyer cinq exemplaires de notre quotidien au ministère de l'Intérieur et trois au parquet », illustre-t-il. La régulation du secteur, au-delà du modèle autoritaire qui semble adopté dans le Maghreb, pose également la question du secteur en soi. Les entreprises de presse existent-elles en tant qu'entreprises alors qu'on parle d'accord d'association avec l'Union européenne, d'adhésion avec l'OMC et d'intégration aux plans régional et international, se demande Salah Eddine Belabes d'El Watan. « Combien d'entreprises de presse ont rendu public leur bilan comptable ? Le Quotidien d'Oran, il y a deux ans, Le Matin et El Khabar qui a publié une synthèse commentée », répond Ahcène-Djaballah. « Au Maroc, la loi interdit l'implication de capitaux étrangers, pourtant, un grand journal public a été cédé à un homme d'affaires saoudien. L'Etat décide à la carte. Alors, si on a affaire à des patrons minables, je préfère des solutions plus avancées », ajoute M. Znaghi qui parle du tabou du capital étranger. La structure humaine de ces entreprises représente également l'enjeu premier de la réglementation, prime étape d'une équitable régulation. Mohand Ridhaoui du SNJ algérien évoque les difficultés rencontrées pour traduire cette réglementation sous forme de convention collective. Réunir les éditeurs pour discuter du document en projet a été le premier des obstacles. « La non-mobilisation des journalistes autour de leurs problèmes socioprofessionnels est égale à la non-mobilisation des éditeurs », assène-t-il. Rabah Abdellah, secrétaire général du SNJ, pointe le déficit de traditions syndicales dans la presse privée et la méconnaissance des législations du travail par les journalistes. « Comment accepter qu'un directeur de journal dise ‘'laissons le plan de carrière de côté'' lorsque la section syndicale veut discuter augmentation salariale ? », s'insurge Hassan Moali, journaliste, qui regrette un net recul des libertés dans la presse privée, « surtout depuis la présidentielle de 2004 ». Le Mauritanien Mohamed Ould Sadek, pour sa part, termine son intervention en appelant le Président Bouteflika à la libération de Mohamed Benchicou, directeur du défunt Le Matin.