Inauguré en grande pompe en 1984, le Village des artisans, sis au Bois des Arcades, donne l'impression de se morfondre de plus en plus. De la vingtaine d'artisans, qui ont jadis élu domicile dans ce magnifique site qui surplombe majestueusement la baie d'Alger, il n'en subsiste que trois ou quatre. Dans cet espace où le vert de Dame Nature se veut rassérénant, seules quelques ombres furtives errent dans son décor qu'encense l'odeur exhalée par une pinède. Ce lieu qui, pourtant, se prête allègrement à l'exercice de l'art de la belle ouvrage, est plein... de vide. Un vide que déchirent les décibels de la musique des chebs, distillée dans les terrasses alentour quasiment désertes. La plupart des artisans ont pris la clef des champs. Au beau milieu de la journée, les boutiques proposant le doigté de la main experte sont fermées. Les raisons ? Si pour les uns, c'est l'absence d'animation dans ce lieu qui fait que les gens accordent peu d'intérêt à cet espace artisanal, pour d'autres, le Village des artisans ne draine pas la grande foule, à cause de la désaffection dont font montre les gens. A croire aussi que la chose artisanale n'est plus appréciée à sa juste valeur comme autrefois, cédant la place aux objets de pacotille qui ont pignon sur rue. Toutefois, les avis s'accordent pour dire qu'il faut réactiver ce magnifique site dans la perspective de réhabiliter l'artisanat. Youcef Nemchi est cet artisan orfèvre de bijoux berbères qui demeure rivé à sa passion et ce depuis une trentaine d'années. Il perpétue le métier de ses ancêtres en introduisant l'innovation et la création dans les bijoux traditionnels, témoin d'une identité culturelle séculaire. A la finesse du style et des motifs, s'ajoutent des couleurs criantes dont le pourpre du corail, une matière qui se fait rare, nous confie-t-il. Une très belle collection de diadèmes sertis de corail, des colliers, bracelets, fibules et broches ornent l'espace dans lequel il exerce. « La situation est désolante dans ce lieu, mais je ne suis pas près de baisser rideau », nous dit-il non sans une pointe d'amertume. Son maître mot, ce sont la sauvegarde et la perpétuation de ce legs ancestral auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux. Le quidam peut balayer du regard les devantures de boutiques - fermées - où sont exposés des produits finement exécutés comme le verre à souffler, la broderie (fetla), la poterie, etc. Le peintre H'sissen, deux artisans du métal à repousser et un relieur d'art semblent faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils tentent, amour de métier oblige, de tenir le coup dans cet environnement artisanal, au demeurant, peu fréquenté. Dans le second bloc des artisans, la monotonie s'empare des lieux aussi. Une monotonie brisée un tant soit peu par le céramiste Benyettou et l'établissement Terra Ceram qui proposent de belles pièces réalisées à la main. Chez ce dernier, un atelier est animé par des jeunes qui s'exercent au métier de la céramique d'art. Une activité artisanale qui ne semble pas moins prêter le flanc à la résignation. Un espace à l'âme triste et qui attend sa réactivation.