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Lorsque les morts subissent la bêtise des vivants
Le cimetière d'El Kettar tombe en décrépitude au vu et au su de tout le monde
Publié dans La Tribune le 17 - 06 - 2009


Photo : Sahel
Par Abderrahmane Semmar
En Algérie, même les morts ne sont pas respectés. C'est un constat amer que nous avons dressé, ces dernières années, mais sans que cela change grand-chose à l'état lamentable de nos cimetières, naguère lieux sacrés et aujourd'hui lieux de débauche. De cette décrépitude qui ne cesse de prendre une ampleur alarmante, le cimetière d'El Kettar est le triste symbole. Ce grand cimetière, qui n'échappe guère aux regards de ceux qui transitent par cette rue populaire et grouillante de Bab El Oued, s'étend à perte de vue sur une colline très accidentée surplombant les quartiers les plus populaires d'Alger et sa baie majestueuse : Bab El Oued, Climat de France et Bologhine. Datant de 1838, ce cimetière, appelé autrefois Dar El Ghrib (la demeure de l'inconnu), puisque n'y étaient «ensevelis» que les étrangers à la cité, couvre une superficie de plus de 18 hectares. L'appellation actuelle, El Kettar, est due, rappelons-le, aux opérations de distillation de jasmin dans le monument de la Bridja. Mais de ces senteurs envoûtantes qui embaumaient l'air, il ne reste, aujourd'hui, que des souvenirs lointains. Et pour cause, plus de 65 000 tombes se trouvent dans ce cimetière où les ordures, les herbes sauvages, les déchets de toute sorte et les diverses immondices s'entassent et enlaidissent ce lieu sacré qui fut, par le passé, un lieu de villégiature. Mais, l'indifférence générale et l'incivisme des
riverains en ont fait une décharge à ciel ouvert. Durant des années entières, des tombes en marbre ornées de carreaux de faïence colorés ont été profanées et la Bridja, ce monument construit à l'époque ottomane pour abriter la célébration du 3e jour d'un décès ou encore le 40e jour, est devenu un lieu de rencontres privilégié des dealers, des toxicomanes, des alcooliques, des proxénètes, des prostituées, des sans-abri et de tout ce que la société compte comme parias et marginaux. Des amas d'excréments, des cannettes de bière et des bouteilles d'urine empestent l'endroit et soulèvent le cœur par
l'odeur nauséabonde qu'ils imposent aux lieux. Les murs blancs jadis immaculés du monument sont noircis et souillés par la perfidie des occupants nocturnes des lieux. «Ici, la nuit, ce sont tous les mafieux et les délinquants de la périphérie qui s'y réfugient. Au su et au vu de la police et du ministère de la Défense, située juste à côté. Trafic de drogue, prostitution, vente d'objets volés, tout est organisé ici dans ce cimetière dédié au repos de nos morts. Qui l'aurait cru ?» confie, la mort dans l'âme, un agent de sécurité de l'Etablissement de gestion des pompes funèbres et des cimetières (EGPFC), lequel accepte volontiers de nous servir de guide dans ce labyrinthe mystérieux. «J'en ai marre de cet endroit. Il est tout le temps infesté par les malfrats. Je vais demander qu'on m'affecte à un autre cimetière», raconte notre interlocuteur, dépité par les comportements inqualifiables qu'il relève au quotidien dans ce cimetière, où reposent d'illustres personnages comme Boudia Rouiched, Papou, Ksentini ou encore El Anka et Dahmane El Harrachi. «Chaque jour, de vieilles femmes viennent ici profaner les tombes pour les besoins de leur sorcellerie.
Elles creusent les sépultures pour cacher de multiples sortilèges. Lorsqu'on les aperçoit, on les arrête et on les livre aux services de sécurité. Mais, les plus dangereux sont les marbriers informels qui sévissent toujours et les délinquants des environs», témoigne-t-il pour dénoncer le laxisme des autorités qui laissent ce haut lieu de la capitale tomber dans une terrible déchéance.
Une déchéance provoquée, également, par l'incivisme criant des visiteurs du cimetière, lesquels laissent derrière leur passage, notamment au cours des week-ends, d'innombrables sacs d'ordures. «Ce sont les visiteurs qui salissent le cimetière et piétinent ces tombes. Regardez ce qu'on nettoie.
Des bouteilles de plastique jusqu'aux chiffons que des bienfaiteurs veulent offrir à des mendiantes, mais ces dernières ne prennent que tout ce qui a une valeur et abandonnent le reste sur place, on trouve tout dans ce cimetière. Il y a un mois, on a même trouvé un bébé mort ! C'est vraiment incroyable ce qu'on jette ici», explique un agent de l'EGPFC, chargé de l'entretien et du nettoyage des lieux, perdu entre les tombes qui croulent sous les ronces et l'herbe folle au point de couvrir entièrement les sépultures. En quelques endroits du cimetière, les plantes ont poussé tellement haut qu'on a l'impression d'être dans un champ en friche. Les sépultures, enfouies au milieu de la broussaille, ont subi fortement l'usure du temps. Craquelées et lézardées, leurs inscriptions, gravées par les parents des défunts, sont devenues indéchiffrables. Certaines tombes ont été carrément absorbées par la terre, sous l'effet de l'érosion, et réduites en poussière.
Devant cet état des lieux déplorable, nous avons interpellé Ahmed Djekhnoun, directeur de l'Etablissement des pompes funèbres et cimetières.
Ce dernier, en nous accueillant dans son bureau, signale que son établissement, l'EGPEC, n'a que quatorze ans d'existence. «Nous n'existons que depuis 1995. Or, le secteur, quant à lui, paie les frais des négligences du passé. On ne lui a jamais accordé l'importance qu'il faut. Et, croyez-moi, nous avons beaucoup fait pour les cimetières d'Alger. Faute de quoi, leur situation aurait été pire que celle d'aujourd'hui», souligne-t-il. Néanmoins, il n'omet pas de reconnaître que l'EGPEC, lequel gère officiellement 17 cimetières et deux morgues, 6 cimetières chrétiens et 2 juifs, soit 66 % de la superficie globale des cimetières de la wilaya d'Alger au nombre de 141, est otage d'une situation dont il n'est guère responsable. «El Kettar est un cimetière vaste. Il est situé sur une colline très difficile à travailler. De plus, il est complètement saturé. On a même trouvé 1 300 tombes dans les allées. On ne peut même pas les transférer ailleurs car il faut d'abord obtenir l'autorisation de leurs familles. Ces dernières ne souhaitent pas qu'on transfère les tombes de leurs parents vers d'autres cimetières. Dans ce contexte, il est impossible pour nous d'aménager la moindre allée carrossable nécessaire à nos travaux d'entretien», révèle notre interlocuteur qui cite également le manque de civisme des habitants des quartiers riverains d'El Kettar. A ce propos, M. Djekhnoun n'y va pas par quatre chemins pour dénoncer le silence et l'immobilisme des pouvoirs publics concernant l'insécurité qui règne la nuit dans le cimetière. «Nos gardiens de nuit ont tous été agressés. Certains ont même failli perdre la vie. C'est pour cela que nous avons supprimé le gardiennage de nuit. Mais, nous avons écrit à tous les services de sécurité et à toutes les autorités pour les sensibiliser aux dangers que font peser ces délinquants. Malheureusement, jusqu'à aujourd'hui, rien n'est fait», précise le directeur de l'EGPEC en rappelant au passage que des brigades de 6 agents de sécurité se relaient le jour pour veiller sur le cimetière d'El Kettar. La nuit, le cimetière est livré à ces fantômes : les cercles mafieux de Bab El Oued. «On est seuls face à ce fléau. En plus, nous ne sommes chargés que de l'entretien du cimetière et non pas de la sécurité des lieux», assure encore M. Djekhnoun. Sur un autre chapitre, le responsable l'EGPEC confie qu'un plan de rénovation et de réaménagement du cimetière El Kettar a bel et bien été élaboré par les soins du Centre national d'études et de recherches en urbanisme (CNERU). Une extension du cimetière a même été prévue par ce plan. Toutefois, les opérations ne peuvent être réalisées en raison de la nature du terrain accidenté et des arbres centenaires, difficiles à déraciner, qui s'y trouvent. «Nous ne pouvons que faire des travaux à l'extérieur pour le moment.
En somme, nous pouvons réaliser seulement 30% de ce plan. Une enveloppe de près de deux milliards de centimes a été engagée à cet effet et on attend la sélection d'un entrepreneur pour entamer les travaux. Néanmoins, nos appels d'offres ont été infructueux et aucune entreprise sérieuse ne s'est présentée pour entamer la rénovation du site», relève M. Djekhnoun qui nous apprend que seules des réouvertures des tombes sont possibles à El Kettar. «On en fait en moyenne 2 à 3 par jour», déclare-t-il. Quant aux familles qui occupent illégalement les cimetières d'Alger, Ahmed Djekhnoun souligne que ce problème se pose avec acuité à El Alia. «A El Kettar, on a déjà délogé une famille. Il n'en reste que deux dont les ancêtres ont été des conservateurs de cimetières. Nous avons écrit et sollicité l'APC de la Casbah pour les reloger. Nous attendons que cela se fasse dans les meilleures conditions», signale-t-il. Rappelons, enfin, que, depuis 2005, 30 000 DA ont été consacrés à la réfection des clôtures et au désherbage des tombes. Aujourd'hui, l'érosion menace sérieusement des centaines et des centaines de tombes. Ces dernières sont-elles condamnées à disparaître ? Rien n'est moins sûr. En tout cas, tant que les morts subissent la bêtise des vivants et leurs incartades, le cimetière d'El Kettar ne se portera guère mieux.


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