« La présence de la gale chez nous ne se limite plus à l'apparition de cas sporadiques mais s'avère beaucoup plus inquiétante avec une déclaration qui devient de plus en plus fréquente, notamment au cours des 5 dernières années » affirme le Dr. S.H. maître assistant au niveau du service de dermatologie du CHU. Sur une moyenne de 15 malades reçus quotidiennement en consultation du Dr. S.H., 5 à 6 le sont pour cause de gale. « Les cas de gale représentent le quart des motifs de mes consultations pour ne pas dire plus. Car et malgré sa présence régulière durant toute l'année, il existe des périodes où la gale marque des pics qui peuvent aller jusqu'à 10 malades galeux sur 15 reçus en consultation quotidienne. Ces pics sont observés durant cette période de rentrée scolaire et jusqu'au mois de janvier. Ceci est dû peut être au fait qu'avec la rentrée scolaire, les enfants sont obligés par leurs enseignants et les équipes de la santé scolaire à aller consulter » explique le Dr. S.H. L'aspect tabou, honteux, de la gale qui reste synonyme de saleté, fait que les personnes atteintes de cette maladie parasitaire n'osent pas aller consulter le spécialiste de peur d'être montrer du doigt. Ils ne se présentent qu'une fois la maladie bien évoluée et suffisamment aggravée. Les causes du mal « Ils ne viennent généralement qu'après 5 à 6 mois de l'évolution de leur maladie et donc en état de complication avancée et surinfection bactérienne (Impétigo et Pyodermite) avec lésions infectées purulentes. Le traitement de la surinfection avec une antibiothérapie plus coûteuse s'impose avant la prescription du traitement de la gale en elle-même » souligne le spécialiste. Sur 5 malades galeux, 4 viennent en état de complications et donc en besoin d'un traitement par antibiotiques en plus de celui de la gale, ce qui multiplie le coût de la prise en charge. Sachons que la majorité des malades reçus relèvent de couches sociales défavorisées, apprend-on de notre interlocuteur. Il faut dire que les causes ayant favorisé la prolifération de la gale à Oran sont « la promiscuité liées surtout à l'exode de populations défavorisées fuyant l'insécurité durant la décennie noire, le manque flagrant d'eau, le manque d'hygiène et le cadre de vie très précaire. Car il faut le redire, la grande majorité des malades ont un niveau social très modeste » ajoute le praticien. Selon son expérience quotidienne sur le terrain, le Dr. S.H. constate qu'Oran Est reste la partie de la wilaya la plus touchée, vu le nombre impressionnant de malades venant de cette région. Ajoutant, que les contacts directs inter-humains pendant la nuit et les contacts indirects par le linge pendant le jour (surtout dans les bains) sont les facteurs permettant la transmission du parasite. L'autre volet aussi important étant en lien direct avec cette évolution inquiétante de la gale, est la très mauvaise prise en charge et le non-suivi correct du traitement. En effet « les malades ne viennent consulter qu'après des mois de leur atteinte et c'est généralement pour se débarrasser de la gêne des prurits nocturnes (des démangeaisons), ou alors pour préserver l'aspect esthétique surtout pour les femmes en plus du motif scolaire pour les enfants. Donc ce n'est que rarement pour traiter la gale » estime le praticien. Le traitement de la gale n'est pas compliqué mais obéit à un schéma codifié de 4 jours à suivre après prise d'une douche, seulement le premier jour. Cependant « ce schéma n'est pas respecté ni bien appliqué par les malades. En plus, certains et à défauts de moyens financiers font appel au conseil du pharmacien au lieu d'aller chez le spécialiste. Ces derniers risquent beaucoup plus de tomber sur un vendeur que sur un pharmacien et donc risquent d'avoir une mauvaise prescription du traitement ». Par ailleurs, il faut savoir que le traitement se fait également par l'entourage du malade pour prévenir toute contamination et le traitement du linge qui comprend les sous-vêtements et la literie. Car cela représente un risque imminent de transmission et de reproduction du parasite. Ces conditions ne sont pas respectées et par conséquent donnent lieu à une propagation de cette maladie de saleté. « Il nous arrive de recevoir des familles entières de 10 personnes qui ne viennent qu'après que la gale ait bien envahi tout l'entourage. Je reçois aussi des malades avec plusieurs récidives. Encore plus, j'ai un malade que je traite depuis 3 ans et qui revient à chaque fois pour les causes suscitées qui se résument en un très mauvais suivi du traitement qui se fait par l'éradication totale du parasite » précise notre interlocuteur. Il importe de noter que 2 malades sur 5 reçus sont des récidives. Un chiffre qui reflète l'ampleur du phénomène. Population touchée Notons aussi que la gale touche tous les âges et ne confond pas entre hommes et femmes. Pire encore, mêmes des nouveaux-nés de 4 jours y sont infectés. « Les nouveaux-nés, nourrissons et enfants de moins de 2 ans développent rapidement des surinfections en conséquence de leur gale et on est obligé de recourir à l'antibiothérapie, malgré leur jeune âge » rajoute le praticien. Des femmes enceintes sont également sujettes à la maladie. Le traitement habituel est contre indiqué pour elles. Il est donc dilué pour réduire la toxicité mais avec cette dilution, l'efficacité est aussi réduite. Cependant, il existe un médicament qui n'est pas contre-indiqué pour la grossesse mais qui malheureusement n'est que rarement disponible sur le marché. Il importe de souligner qu'il a été mis sur les marchés pharmaceutiques internationaux, un nouveau médicament contre la gale en prise orale unique, au lieu de l'application dermique. Ce médicament n'est pas encore disponible chez nous, ni inscrit sur la nomenclature des médicaments autorisés. « Les avantages sont multiples de ce traitement orale pour éviter la surinfection, encourager les gens à se faire traiter et par conséquent éviter une propagation de la gale qui ne cesse de progresser » conclut notre interlocuteur.