Ce n'est pas la première fois que les amoureux de Madegh tentent de s'opposer aux différents projets de construction mais, cette saison, les animateurs ont agi dans le cadre associatif légal. Cette pétition a été lancée, il y a à peine quelques jours, par l'Association d'aménagement urbain et protection de l'environnement (AAUPE) créée en 1994. « Il suffit qu'on pose la première pierre et vous verrez ce site entièrement bétonné dans un laps de temps très court », préviennent Karim Ouenzar, Khaled Rachi et Ali Aït Amirat, principaux animateurs de l'AAUPE. Les deux premiers se chargent de l'atelier littoral, donc d'un travail de terrain, tandis que le second anime l'atelier juridique, un aspect important pouvant contribuer à sauver ce qui peut devenir demain un site protégé (hormis les îles Habibas, Oran n'en disposant pas, contrairement à d'autres wilayas). Parmi les signataires, on retrouve notamment les petits pêcheurs regroupés dans la deuxième plage, difficilement accessible, les plongeurs mais aussi nombre d'estivants nationaux qui viennent de toutes les régions d'Algérie et même de contrées lointaines comme Nouméa (Nouvelle-Calédonie) ou la Norvège. « Cela relève déjà du miracle si cette partie de la commune de Aïn El Karma a été épargnée par le bradage », atteste Karim, un habitué des lieux, notamment hors saison, avant de citer les cas déplorables de Aïn Franine et Krishtel, deux localités situées à l'est de la ville. « Ce qui a été épargné par les incendies de forêt a été massacré par la frénésie du bétonnage et de l'urbanisation pas toujours étudiée », ajoute-t-il. « Ceux qui contestent l'urbanisation de Madegh ne sont pas des nantis ou des excentriques, mais d'humbles citoyens comme nous tous ici et qui veulent sauvegarder ce cadre agréable et le maintenir à l'abri des convoitises », déclare de son côté un plongeur signataire rencontré sur place. L'idée est partagée par le vice-président de la commune mais que peut un élu face à la volonté des décideurs ? En effet, tout près de nous, une étude commandée à un bureau d'études égyptien prévoit un aménagement de 30 ha pour deux hôtels (650 chambres), une centaine de villas, 200 chalets et d'autres structures. Naturel et sauvage De source interne, on apprend que le SDH (gestionnaire du Sheraton) est intéressé par l'acquisition d'une partie de ce « gâteau ». Auparavant, à partir du milieu des années 1990, le site a failli tomber respectivement entre les mains d'un groupe espagnol et d'un richissime saoudien. Implanté sur un site vierge et, par-dessus le marché, archéologique, durant les années 1970, le complexe des Andalouses a fini par s'entourer de béton. Conséquence, sa plage est devenue un réceptacle à ciel ouvert d'eaux usées et de pollution tellurique. « C'est le sort qui attend Madegh en cas d'implantation de complexes touristiques », prévient Khaled à qui on a confié la charge de photographier toutes les décharges et les points de déversement des eaux usées recensés sur les plages de la corniche. Le résultat est effrayant et la comparaison avec les plages restées vierges comme Cap Blanc est édifiante. « L'Algérie a ratifié la convention d'Izmir (Turquie) portant sur la lutte contre la pollution tellurique », rappelle Ali, spécialiste juridique de l'association de par sa formation. Celle-ci lui doit l'intéressante initiative qui a consisté à réunir les textes législatifs portant sur l'environnement et l'urbanisation du littoral. « Il est interdit de porter atteinte à l'état naturel du littoral qui doit être protégé, utilisé et mis en valeur en fonction de sa vocation », stipule l'article 9 de la section I du tome I du Droit algérien de l'environnement et de l'aménagement du territoire (recueil de textes et règlements). En deux tomes, ce recueil, fruit d'un travail associatif, est destiné à être distribué à tous les P/APC des communes côtières. Un autre article (12) stipule également que « l'extension longitudinale du périmètre urbain des agglomérations situées sur le littoral est interdite au-delà de 3 km ». Au nom de l'association, une audience a été demandée au ministre de l'Environnement. On plaidera aussi la cause de Madegh à un haut niveau dans l'espoir de sauvegarder ce dernier « bastion » de la nature.