Ils ont assassiné mon père... ma mère... ma sœur... mon frère... ma fille... mon fils... Pourquoi ? » Cette question se transmettra à travers les générations, les âges et les siècles pour rester sans réponse aucune. Le deuil n'a pas été fait. L'assassin a pu bénéficier, en 2005, de mesures de clémence : « Extinction des poursuites judiciaires. » Il ne sera pas jugé. Les dispositions du projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale vont au-delà de la notion du pardon. Ce texte pose les fondements de l'absolution ou l'amnistie des assassins de la vie en Algérie. Les terroristes sont acquittés, blanchis, lavés de toute accusation d'avoir tué avec préméditation, égorgé, éventré des femmes porteuses de vie, démantelé des familles entières. Ils ne seraient plus coupables d'avoir sacrifié des innocents sur l'autel du pouvoir à prendre... Malgré la terreur intégriste, l'Algérie, peuple et nation, avait choisi la résistance, la solidarité, la générosité, refusant la violence, la haine, le génocide en développant des mouvements de résistance contre le terrorisme islamiste armé. Elle avait choisi de retrouver une humanité que la barbarie des crimes commis lui avait confisquée. Et voilà que des lois, de la rahma, à la paix et la réconciliation nationale, tombent comme une chape de béton. La perception de l'instauration de la paix passerait-elle forcément par l'impunité accordée aux criminels ? Le pardon n'est pas une affaire d'Etat. C'est un acte humain, individuel, personnel, et de ce fait, ne peut en aucun cas être imposé aux victimes du terrorisme. La réconciliation nationale constitue, en règle générale, l'aboutissement d'un processus en mesure de déterminer les responsabilités et la culpabilité de chacun dans ce génocide qui nous a anéantis pour des décennies encore ! Le texte du projet de la charte soumise au référendum est destiné aux terroristes qui se sont rendus. Il ne dit pas un seul mot sur les familles victimes du terrorisme, excepté pour les assimiler aux familles des terroristes dans une situation commune dénommée « tragédie nationale ». La victime devrait-elle demander pardon à son assassin ?... Pour les terroristes et leurs émirs, ce n'est pas une tragédie. Au nom de quoi ou de qui ont-ils semé, au sein de la société algérienne, l'horreur, la terreur, l'effroi de vivre en communauté, la peu d'être abattu lâchement..., la détresse, la douleur... la désespérance. A peine quelques jours avant son assassinat, Alloula me disait : « Raja, notre pays vit une tragédie, mais il s'en sortira. Si nous devons payer le prix, nous le paierons... » Et il paya de sa vie. Les graines de la violence ont été semées dans la terre d'Algérie. Avec les saisons, elles germeront pour se propager comme un poison. Il est capital de reconnaître le mal, l'exorciser par une justice réelle et crédible qui jugera les coupables pour crimes contre l'humanité. La dette des crimes commis doit être payée devant la société algérienne et devant le monde. Tout crime non puni engendrera d'autres crimes. La paix, oui. Mais pas au prix de l'impunité des assassins, pas au prix d'une amnistie fardée. Le texte de la charte proposée ne parle pas du tout des enfants qui ont assisté à l'exécution d'un ou de plusieurs de leurs proches, des jeunes filles violées, des mères qui ont vu leur enfant décapité... Que sont-ils devenus tous ? Le terrorisme a fait de l'Algérie un grand hôpital psychiatrique ; les dégâts psychologiques et moraux sont énormes, incalculables, affolants... Que faire ? Qu'allons-nous dire à toutes celles et tous ceux qui ont subi cette folie meurtrière ? Que dire des horreurs, des trahisons, des lâchetés dont ont été victimes nos pères... nos mères... nos frères... nos fils... nos filles... ? Que dire ?