Personne ne peut imaginer l'angoisse des parents pendant toutes les journées et les nuits d'attente, et le terrible sentiment d'impuissance et de culpabilité de n'avoir pas été là pour défendre leurs gosses. Des vies ont été brisées, des familles accablées par la souffrance et hantées par le souvenir de leurs enfants innocents, disparus trop tôt. Des mamans frôlant la dépression et des papas pudiques cherchant un coin pour pleurer, des frères et des sœurs qui n'oublieront jamais cet horrible événement. Aucune fête ne sera comme avant, leur vie ne sera jamais pareille. Ces familles ont accepté de témoigner et de nous faire part de leurs souffrances au quotidien. “Ce n'est pas possible, il y a une minute de cela, je pensais à l'enquête de la police et vous êtes venue. Je sens que c'est un bon présage. Dites-moi qu'ils ont retrouvé les assassins de ma fille !” s'affole Moudel Laârabi, père de la petite Chahinez, retrouvée assassinée le 2 octobre 2005. Pour rappel, la victime, âgée de 14 ans, avait été kidnappée sur le chemin du domicile familial. Elle a été enlevée, violée, étranglée, puis jetée dans un ravin à quelques encablures de chez elle. “Je ne connaîtrais pas de repos tant que les assassins de ma fille sont toujours en liberté”, lance-t-il. Deux ans après cette tragédie, le père de Chahinez raconte, la mort dans l'âme, la journée où sa fille a été kidnappée. Après des recherches qui ont duré toute l'après-midi, les parents, ne trouvant pas de traces de leur enfant, se sont précipités au commissariat de Saïd-Hamdine pour signaler sa disparition. Seulement, la législation stipule qu'il faut attendre 48 heures avant l'ouverture d'une enquête. “Ce n'est qu'au petit matin que j'ai retrouvé ma petite Chahinez dans un ravin à 200 mètres de la maison. Ma fille a été kidnappée, violée, assassinée, puis jetée dans le ravin. Son corps sans vie a dû être déposé le lendemain du crime, car nous avons ratissé tout le quartier, même le ravin, en vain. Je n'oublierai jamais l'image de son corps nu gisant dans ce lieu damné”, s'indigne-t-il. Les larmes aux yeux, il continue de se remémorer ce tragique événement. La maman, pour sa part, n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi les assassins de sa fille ne sont pas encore arrêtés. “Je me rappelle que quelques jours après le meurtre de ma fille, un policier m'a tapoté sur l'épaule et m'a dit : “Ne vous inquiétez pas, nous sommes sur une bonne piste, c'est une question de quelques jours et il sera arrêté.” Depuis ce jour, aucune nouvelle. Mon cœur brûle, je ne dors plus, je n'arrive même pas à sortir sur la terrasse pour étendre le linge, car il donne directement sur le maudit ravin”, éclate-t-elle en sanglots. Autant de questions auxquelles nul n'est capable de répondre. À présent, le papa tente de calmer son épouse en la rassurant de retrouver le meurtrier de leur fille. “J'ai perdu mon père à l'âge de 8 ans. Il a été tué par l'armée coloniale. Quelques années plus tard, dans les années 1990, mes deux frères ont été tués par le terrorisme, et maintenant c'est ma fille. Ça suffit maintenant !” Faute d'information, les parents de la petite gamine s'accrochent à tout type de scénario, mais jamais celui de l'abus sexuel et du meurtre. “Ce n'était pas ma fille qui était visée. C'était la fille du richissime voisin du quartier. D'ailleurs, elles se ressemblent beaucoup, et lorsqu'ils ont su que ce n'était pas le bon otage, ils l'ont tuée”, suppose-t-il. M. Laârabi n'arrive toujours pas à décolérer, il passe ses journées à frapper aux portes des commissariats en quête d'une petite information qui soulagera, le temps d'une nuit, sa conscience. Yacine, l'enfant qui a hanté les rues d'Alger Un mois après la découverte du corps sans vie du petit Yacine, âgé d'à peine 4 ans, au fond d'un puits, à 200 mètres de son domicile, le criminel est toujours dans la nature. Les affiches de sa disparition sont encore collées sur les murs de plusieurs rues d'Alger. Dans son quartier, tout a changé, plus d'enfants qui jouent dehors et les habitants sont plus vigilants. “Désolée, les parents du petit ne peuvent pas témoigner. Ce n'est que maintenant qu'ils reprennent leurs esprits”, nous annonce d'emblée une femme derrière une porte entre-ouverte. La mère du petit Yacine l'interpelle est nous invite à entrer. “Que voulez-vous que je vous dise ? Mon enfant a été kidnappé et je l'ai retrouvé mort. Maintenant, je peux me recueillir sur sa tombe pour le pleurer, c'est tout ce qui me reste. Nul ne peut le ressusciter”, nous répond-elle froidement avant de quitter la pièce. Son époux surgit du fond de l'apparentement pour riposter. “C'est la police qui n'a pas fait son travail. Vous devriez les interroger. Pourquoi les policiers n'ont-ils pas utilisé les chiens renifleurs dès les premières heures qui ont suivi la disparition de mon fils ? Pourquoi le rapport du médecin légiste reste toujours secret ? Pourquoi ne disent-ils rien ?” s'écrie-t-il. De lourdes interrogations qui pèsent sur les circonstances de cette tragédie et auxquelles personne ne peut donner de réponse. “Ce matin, une policière est venue voir ma sœur, elle est restée un moment, mais elle n'a rien dit. D'ailleurs, je ne comprends même pas l'utilité de son déplacement”, réplique sa belle-sœur. Assoiffé d'informations, le père Bouchlouh s'attaque, encore une fois, aux enquêteurs : “Ils n'ont pas mis les moyens qu'il faut pour l'enquête. Il fallait les voir, ils sont venus avec du matériel qui ne fonctionne même pas. Je suis désolé, mais je suis pessimiste quant à l'arrestation du criminel de mon fils. Mais je garde la foi, je sais qu'il y a une justice divine.” Sa tante fait remarquer qu'il y a eu trop de rumeur dans cette affaire. “Chaque jour, nous entendions des rumeurs. Certains disent qu'il a été victime d'un trafic d'organe, tandis que d'autres parlent de son meurtrier. Si quelqu'un a des informations, qu'il nous les donne ou qu'il se taise à jamais. Nous sommes fatigués des mensonges et des rumeurs”, s'indigne-t-elle. Nabila Afroun