Enseignante en sciences naturelles, Nassima Touisi vient de publier son premier roman, Une lettre à Kahina. Roman qui traite de la toxicomanie en Algérie sous forme d'une histoire d'amour où des personnages entretiennent depuis leur jeune âge une tendresse naïve, tout en menant un combat contre le fléau redoutable de la drogue. Le livre est élaboré sous forme de journal intime, soliloques combinés avec le style épistolaire. Les personnages sont des étudiants pour la plupart et ne dépassent pa les vingt ans. Un âge que la jeunesse vit par imprécation chronologique. Un âge subi, faute de mieux dans une société patriarcale et segmentée. Les règles du jeu font que le « je » est noyé par le « nous » : c'est le collectif qui prime sur l'individu. La géroutocratie fait que le plus âgé domine le cadet. Quant à la femme, elle vit pour les autres, les hommes ou plutôt les mâles. Dans cet environnement social, Dina, Linda, Aïcha, Adel et Riadh, entre autres n'ont de perspective que le suicide et la drogue. Ainsi, la toxicomanie n'est que conséquence des contraintes sociales. L'individu s'engage ainsi dans une lutte contre soi et pour soi corrodé par le vide, l'ennemi de l'homme. Ce dernier, faute de perspective, cherche un refuge pour se débarrasser de lui-même. Outre le suicide, il y a la drogue qui le ronge comme un chancre, un mal destructeur mais oniriquement nécessaire pour vivre le néant. En parallèle, il veut gagner cette bataille contre cette poudre blanche. Alors, il s'engouffre dans une spirale infernale et divorce d'avec la société dont le tissu s'effiloche. L'amour perd sa saveur et génère la douleur. Le joug de la solitude pèse lourd et lamine la raison. L'individu est sevré de sa jeunesse. Les conventions sociales le condamnent. Cependant, la société « ne pardonne pas. Elle approche sa proie, la met en confiance, l'endort puis la dévore. La société est le cancer de l'insouciance ; maligne, elle inquiète puis tue ». (p. 82). Des murs invisibles troublent l'esprit. La violence sévit et l'homme se transforme en léviathan égaré incapable de savourer les choses simples de la vie. « Quand la beauté d'une main n'est plus valorisée et qu'une gifle s'abat plutôt sur un sort pour l'écraser, alors que laisse-t-on vivre ? Pourquoi l'homme détruit-il le divin, le naturel, le spirituel pour s'enfermer dans l'intolérance, l'indifférence, le mépris, la rancœur et la méchanceté ? » (p. 83). Des questions fusent portant en filigrane des réponses. Les réponses génèrent des questions éludées par peur de la réalité. Mais l'homme est-il libre de choisir ? La mort, l'autodestruction, tel est le monde de la toxicomanie que retrace Nassima Touisi. Un monde où le dialogue intérieur du « je » interpelle le « nous ».