L'appel de Abdelaziz Bouteflika en faveur de la définition d'une politique nationale de l'éducation, lancé lundi devant les étudiants de l'université d'Alger, a surpris dans le milieu scolaire. La raison à l'origine de cet étonnement se devine aisément. Nombre d'enseignants se sont interrogés concernant l'opportunité de mener une réflexion sur le système éducatif alors que leurs établissements commencent à peine à appliquer les éléments de réforme de l'école préconisés par la commission Benzaghou. C'est ainsi que la perspective de devoir encore se familiariser, dans un proche avenir, avec de nouveaux programmes et probablement aussi avec un système éducatif flambant neuf laisse les « profs » pour le moins perplexes. Le projet annoncé du chef de l'Etat d'« étudier le système éducatif du primaire à l'université pour déterminer les lignes de force d'une politique » a concouru, par ailleurs, à accentuer les doutes des enseignants quant à la fiabilité de la feuille de route définie par le département du ministre de l'Education nationale, M. Benbouzid, destinée à réformer l'école. A ce propos, force est de constater que les appréhensions des enseignants ne manquent pas d'arguments. Le premier d'entre eux consisterait, peut-être, à rappeler la pénurie qui touche les manuels scolaires depuis le début de la rentrée des classes. Il y aurait certainement à (re)dire aussi sur certains aspects des programmes proposés aux élèves. Assurément, l'intervention de Abdelaziz Bouteflika a ouvert la voie à une multitude d'interrogations. Elle a l'avantage, aussi, de rouvrir un débat sur l'école, clos un peu trop rapidement, de l'avis de nombreux observateurs. Evidemment, la question la plus pertinente reste de savoir si les changements introduits jusque-là dans nos écoles n'étaient pas, en réalité, une opération de replâtrage. Un mouvement juste bon pour gagner du temps et donner l'illusion d'un renouveau de l'école algérienne. Si c'est le cas, la décision du chef de l'Etat de repenser le système éducatif national paraît salutaire. Néanmoins, elle demeurera frappée de suspicions tant que l'on n'aura pas expliqué aux parents d'élèves cette habitude fâcheuse qu'a le gouvernement, qui consiste, à chaque fois, à changer de politiques comme on changerait de chemises. Il s'agira également de dire comment on peut jouer avec l'avenir de générations entières avec une telle légèreté. Il conviendra, en outre, de faire comprendre comment il est possible de financer, à coup de milliards, des réformes appelées à finir dans le fond d'une poubelle. Des réponses à ces questions seraient les bienvenues, même avec un baril de pétrole à 65 dollars.