Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, n'est pas satisfait du rythme avec lequel est menée la réforme du système éducatif. M. Bouteflika a tenu à le faire savoir, hier, à l'occasion de l'ouverture des journées portes ouvertes sur l'enseignement supérieur, organisées par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique jusqu'au 30 juillet. Ces journées, auxquelles prennent part toutes les grandes universités et écoles nationales, visent à aiguiller les nouveaux bacheliers dans leur choix. Brossant un tableau sombre de la qualité de l'enseignement, le discours du président de la République n'est pas fait pour susciter l'engouement. La construction de l'« homme citoyen », pour reprendre les termes de M. Bouteflika, est conditionnée par l'application d'une nouvelle approche dans la formation allant du préscolaire au niveau supérieur en passant par la formation professionnelle qui doit s'adapter aux exigences de l'économie de marché. « Une nouvelle approche qui doit s'inscrire dans un cadre référentiel global représenté par le plan de la Commission nationale de réforme du système éducatif (CNRSE) », a indiqué le Président. L'occasion est saisie pour critiquer le retard mis dans l'application des recommandations de ladite commission. Selon lui, ce plan n'est pas appliqué comme prévu initialement, car les réformes sont engagées « à pas ralentis ». Avec la dissolution du Conseil supérieur de l'éducation (CSE) par le président Bouteflika, aussitôt après son accession au pouvoir, et son remplacement par la CNRSE, la réflexion sur la réforme du système éducatif a pris presque une décade sans se traduire par aucune action concrète. Secteur sinistré La révision du contenu des manuels scolaires, pour les élèves de première année primaire et moyenne, n'a été mise en œuvre que durant l'année scolaire qui s'achève. Sortir le secteur de l'enseignement du sinistre, souligne le président de la République, est aussi une question de « moyens », même si de nombreux observateurs estiment qu'il s'agit avant tout d'une « volonté politique » de l'Etat à se départir de sa politique dirigiste au profit de l'école de l'autonomie. L'éducation est le seul secteur où le « tout-Etat » reste de rigueur, malgré une politique libérale touchant même des domaines considérés jusque-là comme « tabous », celui des hydrocarbures particulièrement. Cela étant, les défis en termes de structures d'accueil et de places pédagogiques demeurent réels et colossaux. « Les prévisions au sujet du nombre d'étudiants attendus à l'horizon 2008 indiquent que l'université algérienne devra accueillir environ 1,4 million d'étudiants. Ces statistiques exigent de nous une préparation dès maintenant, d'autant que nous restons attachés à la gratuité et la démocratisation de l'enseignement. Cela ne nous empêche pas pour autant de rattraper le retard né d'une politique qui a souvent fait primé la quantité sur la qualité », a prévenu le président de la République, appelant le gouvernement à se préparer à cette nouvelle situation. Le souci du surnombre risque de se poser plus tôt que prévu, soit dès la prochaine rentrée universitaire en raison du taux de 42,52% de réussite au bac cette année. Le président Bouteflika a, dans la foulée, remis en cause l'envoi d'étudiants à l'étranger pour la formation postgraduation avant d'honorer 59 majors de promotions au niveau national, dans différentes filières universitaires, en leur attribuant des attestations d'honneur, des ordinateurs, des téléphones portables, des abonnements de six mois à Internet et des téléviseurs. « Depuis que je suis au pouvoir, j'ai eu l'occasion de bien examiner ce dossier. Aucun étudiant n'est revenu au pays. Il est impératif de revoir le système de récompense des étudiants de façon rationnelle », a-t-il suggéré. Il estime que la fuite des cerveaux en général est « un obstacle qui freine le développement national par une saignée touchant l'élément le plus précieux et l'un des facteurs essentiels pour une véritable relance du développement ». A cet effet, M. Bouteflika a appelé à « offrir aux savants et chercheurs la prise en charge matérielle et morale adéquate ». « Je réprouve le sort des médecins algériens en France où on les rabaisse au rang de techniciens supérieurs de la santé », a déploré le président Bouteflika, même si la situation du médecin n'est pas plus enviable en Algérie. Le monde de l'enseignement, quant à lui, espère que les paroles du président de la République se traduisent par des actes.