S'il est un sujet qui a été complètement évacué du débat sur le prochain référendum autour du « projet de la charte pour la paix et la réconciliation nationale », c'est bien celui du déroulement ou pour être plus précis de la régularité du scrutin. En dehors des partis de l'opposition, du moins ceux opposés à la charte qui ont clairement affirmé qu'ils ne se faisaient aucune illusion sur le recours à la fraude par le pouvoir pour assurer un large plébiscite au projet, on n'a pas ressenti, par ailleurs, une réelle préoccupation autour de cette question fondamentale aussi bien du côté du pouvoir que des partis de la majorité présidentielle et des autres partis qui soutiennent le projet. On n'a pas entendu une seule déclaration officielle pour souligner ne serait-ce que pour sacrifier à certains atavismes que « toutes les conditions d'un scrutin libre et régulier sont réunies ». On n'a même pas cherché à mettre les formes cette fois-ci pour tenter de convaincre et rassurer la population que le scrutin sera « propre et honnête ». Dans le cadre d'un référendum, la loi électorale ne prévoit pas la mise en place d'une commission de surveillance indépendante composée de représentants de partis et de personnalités sur le modèle des commissions mises sur pied lors des précédents scrutins. Les conditions de déroulement des opérations de vote vivement contestées par les partis de l'opposition qui avaient dénoncé la fraude électorale à grande échelle avaient montré, selon l'opposition, l'inefficacité de telles structures. Mais leur existence avait malgré tout permis de limiter un tant soit peu les dégâts en assurant une présence dissuasive au sein des bureaux de vote pour superviser le déroulement du scrutin. Dans le cadre du prochain référendum, la surveillance du scrutin est laissée à la seule discrétion de l'administration. Et quand on connaît les dépassements dont s'était rendue coupable l'administration dénoncée par l'opposition comme étant le parti du pouvoir, on comprend dès lors le scepticisme justifié dont ont fait montre les adversaires du projet de la charte quant à la régularité du prochain référendum. Il est vrai que les opérations de dépouillement des bulletins de vote sont ouvertes à la population en vertu de la loi électorale, mais c'est loin d'être un gage d'une gestion transparente et démocratique des urnes dans la mesure où la fraude est une pratique underground qui échappe à l'œil nu et à toute vigilance. Les réserves exprimées par les opposants à la charte quant à la régularité du prochain scrutin sont cette fois-ci nourries par le matraquage fait par le pouvoir pour assurer un large plébiscite à ce référendum. En tant qu'initiateur du projet, Bouteflika engage avec ce projet sa crédibilité et sa légitimité qu'il se croit obligé de bonifier périodiquement en recourant au plébiscite populaire. Une attitude qui trahit une quête permanente de légitimité comme s'il fallait combler un déficit en la matière qu'il traîne au fond de sa conscience par rapport aux précédents scrutins qui lui avaient valu en termes de régularité des opérations de vote de vives critiques de la part de l'opposition. Bouteflika, qui a sillonné le pays de part en part le pays pour « vendre » son projet de charte, a en effet placé la barre très haut en renvoyant lors de ses meetings l'image d'une population toute acquise au projet et à sa personne. Pour lui, le résultat du référendum est par conséquent une chose entendue qui ne laisse place à aucun doute. Il ne pourra pas souffrir de faire passer le projet de la charte avec un score inférieur à celui qu'il a réalisé lors de son premier mandat validé par le dernier scrutin présidentiel. Il est sommé de faire mieux, un peu comme un athlète de performance qui court derrière des défis olympiques, sous peine de paraître comme un Président qui est en déficit ou en panne de légitimité. C'est dire que tous les pronostics sont ouverts pour ce référendum.