Au-delà des résultats officiels confinant à l'unanimisme du référendum de ce jeudi qui a donné lieu comme il est de tradition après chaque consultation électorale à des lectures croisées qui renseignent sur le déficit démocratique caractérisant le système politique et électoral algériens, le projet de « charte sur la paix et la réconciliation nationale » a lamentablement trébuché en Kabylie. Le très faible taux de participation enregistré à Tizi Ouzou et Béjaïa contraste en effet manifestement avec les chiffres officiels records annoncés par le ministère de l'Intérieur aux niveaux régional et national. En l'absence de mécanismes de contrôle du référendum - une carence de la loi électorale qui ne semble déranger personne -, toutes les suspicions qui émaneraient de l'opposition ne pourraient être que légitimes. A la différence des autres scrutins où il y avait un enjeu partisan qui faisait que les partis politiques étaient associés aux opérations de surveillance et de contrôle du vote, le référendum de ce jeudi s'est déroulé presque à huis clos laissant le destin de l'Algérie entre les mains de la seule administration. Une analyse froide des chiffres officiels, indépendamment des lectures et commentaires qui pourraient être faits dans un sens ou un autre sur la propreté et l'honnêteté de cette consultation, donne de l'Algérie une image d'un pays plus fragilisé et plus menacé encore dans sa stabilité et son unité qu'il ne l'était avant le référendum censé sceller la fraternité et la citoyenneté retrouvées des Algériens. La fracture provoquée par les résultats de ce référendum est d'autant inquiétante qu'elle donne la nette impression qu'il y a eu ce jeudi deux référendums pour une même consultation électorale. Par ses déclarations à Constantine où il avait annoncé sa ferme opposition à l'officialisation de tamazight, le chef de l'Etat avait poussé la population de la Kabylie à un tel durcissement qui n'augure rien de bon pour cette région déjà suffisamment meurtrie par toutes ces années de lutte et de contestation. Le vote de la Kabylie est doublement symbolique : de l'attachement au combat pour l'officialisation de tamazight et du rejet de la charte sur « la réconciliation nationale ». En rouvrant le front kabyle, le référendum est de fait vidé de son contenu. La charte est-elle déjà un projet mort-né ?